Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1843 > Octobre > 26

26 octobre [1843], jeudi soir, 4 h. ½

J’ai Lanvin depuis neuf heures du matin. Il s’était arrangé de manière à te donner la journée et c’est moi qui en ai profité puisque tu n’y comptais plus. Je te dirai, mon Toto chéri, que l’affaire des collages de carton des passe-partout n’est pas une chose simple du tout. Il faut toutes sortes de simagrées pour que le papier soit bien tendu et une presse pour qu’il ne se déforme pendant qu’il sèche, on supplée au défaut de presse en mettant les tables et les bûches les unes sur les autres absolument comme pour des barricades. Dans ce moment-ci il est en train d’encadrer Malines. Quant aux cadres, je crois cette fois qu’il t’a bien compris. Cependant je n’en répondrais pas. J’ai fait placer, de mon chef et sauf meilleur avis, les deux miroirs derrière la porte et les trois chapeaux de paille de la Forêt Noire [1] et du canton de Vaud au-dessus de la porte. Tout cela n’est pas fameux et je suis loin de tirer vanité de mon improvisation. J’ai fait raccommodera le petit vase vert en pâte de riz. J’ai fait une scène de l’autre monde à la raccommodeuseb et elle l’a refait pour rien. Mais je lui ai fait raccommodera pour trente sous la penaillon de la rue du Roi-Doré m’a apporté des coupons d’étoffe à voir. Dans tout ce qu’elle m’a montré il n’y en a que deux en [illis.] blanc et jaune dessin Louis XV. Elle en veut huit francs. Il y a de quoi faire un dessus de fauteuil.

27 octobre [1843], vendredi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon adoré, bonjour mon pauvre homme triste, bonjour, je t’aime mon Toto bien-aimé. Ne souffre pas, je t’en prie de toute la force de mon amour. Comment va ta gorge ce matin ? Comment va ton pauvre cœur ? Je ne te demande plus pourquoi tu n’es pas venu déjeuner avec moi, mon Toto, parce que je sais bien qu’il faut que tu aies des empêchements sérieux car tu sais combien je te désire et combien je t’aime. Je te prie seulement de ne pas les prolonger au-delà de la stricte nécessité parce que je suis bien triste de ne pas te voir plus souvent et plus tendrement. Je t’aime mon Toto.
Comme tu m’as bien arrangé mes deux passe-partoutc. Comme j’aime tes ravissants petits dessins. Que je suis contente de pouvoir les regarder à tous les instants de la journée. Tout ce qui me vient de toi, et surtout tout ce qui est fait par toi, sont autant de trésors précieux que je ne changerais contre aucune richesse. J’ai besoin en ton absence de m’entourer et de m’imprégner de toi le plus possible. Je t’aime, mon Victor, comme jamais homme n’a été aimé. Tu verras cela plus tard.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 249-250
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « racommoder ».
b) « racommodeuse ».
c) « passe-partouts ».

Notes

[1Souvenir du voyage de 1840.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne