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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 12 octobre [18]77, vendredi midi, 11 h.

Très sérieusement, mon cher bien-aimé, je suis effrayée du formidable succès de ton livre [1] qui, en même temps que l’admiration enthousiaste qu’il excite dans le public, excite en même temps aussi la curiosité de ta personne ; ce qui n’est pas sans danger ce soir où on sait que tu présideras le comité Grévy au gymnase Paz [2]. La pensée que la foule emportée et délirante d’amour pour toi peut amener un accident terrible dont tu serais la première victime me trouble jusqu’au fond du cœur et je serai la plus tourmentée et la plus malheureuse des femmes jusqu’à ton retour [3]. Peut-être que si j’étais là je serais tout de suite rassurée mais à distance je t’assure que c’est très inquiétant malgré la présence de tes nombreux amis et leur dévouement absolu, surtout celui du bon et brave Lesclide et de Pierre Elzéar. Je voudrais être à demain et plus loin encore pour n’avoir plus à songer à ces tristes et alarmantes éventualités dont mon amour, hélas ! ne peut pas te garantir.

BnF, Mss, NAF 16398, f. 277
Transcription de Guy Rosa

Notes

[1Hugo a noté la veille que son éditeur lui dit vendre le livre à raison de 10 000 exemplaires par jour et qu’il y en déjà 70 000 exemplaires vendus.

[2Eugène Paz fonde en 1859 la Société des amis de la gymnastique et devient président en 1873 de l’Union des sociétés de gymnastique de France. Le gymnase portant son nom servait, dès avant la fin de l’Empire, à toutes sortes de réunions, celles par exemple de la Société des gens de lettres. Cette réunion-ci est une réunion électorale pour soutenir la candidature de Jules Grévy dans le 9e arrondissement de Paris. D’une manière générale, la campagne avait été d’une rare intensité : tournée provinciale de Mac-Mahon qui se permet une proclamation à l’armée quasiment séditieuse, multiples interventions de l’Église, réunions, discours. L’un des plus fameux fut celui où Gambetta, à Lille, osa dire qu’il ne resterait au Président, une fois vaincu aux élections, qu’à « se soumettre ou se démettre ». Car, plus qu’un coup d’État militaire, bien peu probable après la catastrophe toute récente du putchiste de 1851, l’objet de la crise était la prééminence du Président sur l’Assemblée.

[3On a vu Juliette en proie aux mêmes inquiétudes, motivées d’une autre manière, pour la présence de Hugo aux funérailles de Thiers.

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