29 mai [1842], dimanche matin, 10 h. ¼
Bonjour mon cher petit homme du bon Dieu, bonjour, je t’aime, comment vas-tu ce matin, m’aimes-tu, penses-tu à moi et viendras-tu bientôt ? Je te demande pardon de t’avoir soupçonné hier d’un crime, car c’en serait un que d’aller au théâtre sans moi pendant que je t’attends, que je te désire et que je souffre. Aussi mon cher adoré tu es incapable de cette mauvaise action et il n’y a que la jalousie la plus [féroce ?] et l’amour le plus malheureux qui puissent me porter à cette supputation peu consolante. Mais je suis trop heureuse de m’être trompée et d’avoir à te demander pardon. Pardonne-moi donc mon Toto et aime-moi un peu de bon amour. Tu devais revenir cette nuit, scélérat, et tu n’es pas revenu comme un vilain menteur que tu es toujours ! Pourquoi ça, vilain monstre, puisque je vous aime de toute mon âme ? Taisez-vous, ça vaudra mieux que de mentir. J’ai écrit à votre Dabat pour lui faire toutes vos recommandations mais j’ai peur qu’il ne vienne apporter la première paire de souliers aujourd’hui et qu’elle ne soit comme celle que tu as aux pieds. Ma foi je ne les prendrai pas, tant pis, je serai féroce pour ce pauvre homme, quoiqu’en somme, n’était votre coquetterie absurde, vous pourriez très bien passer par-dessus ce petit inconvénient. Mais c’est dit, je suis votre Séïde [1] et je refuserai tous les grands bouts vernis. Mais il faut venir bien vite pour la peine, sans cela je les prends.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16349, f. 87-88
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette