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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 décembre [1839], lundi après-midi, 1 h. ½

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon adoré. Tu n’es pas revenu cette nuit, hélas !... C’est toujours la même chose et je devrais bien me dispenser de le remarquer et de grogner (comme tu appelles mes reproches d’amour). Enfin, c’est plus facile à dire qu’à faire et le cœur qui aime bien et qui souffre a bien de la peine à ne pas se plaindre.
À propos, j’ai oublié de te rendre cette nuit ta chemise et ton gilet, peut-être est-ce cela qui t’a empêché de revenir ? J’en suis doublement fâchée car je crains en outre que tu ne te sois enrhumé et je ne me le pardonnerais pas. Donne-moi tes petits pieds que je les réchauffe tout de suite. Baisez-moi encore, toujours, indéfiniment… J’ai eu mon linge à compter et toutes mes petites affaires à faire, je suis débarbouillée mais malgré ta recommandation, je ne me presse pas pour le reste tant je suis sûre que tu ne me feras pas sortir de ce beau temps-ci. Au reste, nous nous éclairerons à la bougie car je n’ai même pas assez d’huile pour la soirée. Ce n’est pas une affaire, d’ailleurs, et ce qui m’importe, c’est que je te voie un peu plus de cinq minutes d’ici à 1 h. du matin. Il faut que j’écrive à M. de Barthès, c’est fort triste et fort embarrassant, cependant il le faut [1]. Je t’aime, mon Toto. Je t’adore, mon petit homme. Je baise tes pieds et je t’admire. Je me réjouis du bonheur d’avoir une bonne petite lettre de toi pour mes étrennes. J’aurais été encore plus au ciel si tu y avais jointa d’admirables vers à Juju mais je sais combien tu es occupé et combien c’est impossible et j’y renonce avec de gros soupirs et en couvrant ma lettre de baisers [d’avance  ?] et de confiance.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 215-216
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « joins ».


30 décembre [1839], lundi soir, 10 h. ¼

Que direz-vous, mon Toto, en voyant l’heure à laquelle je vous écris cette lettre ? Probablement vous me tuerez et cependant rien n’est plus innocent et plus naturel ; en arrivant chez Mme Pierceau, j’y ai trouvé M. Demousseau, après son départ, j’ai travaillé à ma robe jusqu’à 5 h. ½ et enfin Mme Triger est venue dîner avec nous, ce qui est cause que je n’ai pas pu t’écrire qu’après qu’elle a été partie, attendu qu’il n’y avait de feu que dans la salle à manger, c’est de là et sur la table où on a dîné que je t’écris. J’espérais, mon adoré, que vous voudriez voir ce que je faisais et que je verrais votre chienne de figure comme dit Mme de Sévigné, mais vous ne savez rien [faire  ?]. À propos, [illis.] votre stupide jalousie de tantôt qui m’a empêchée d’avoir tout le bonheur que contient le moment où je vous vois. Enfin je ne vous en veux pas car je vous aime trop pour cela et [illsi.] [illis.] [suis/sais  ?] la cause d’ailleurs que vous êtes si méchant. Baisez-moi. Mon Dieu, qu’il fait froid chez la mère Pierceau on y gèle à la lettre. Nous avons eu toute la soirée une chaufferette pour trois, maintenant nous l’avons pour deux mais c’est égal c’est bien [dur de café  ?] surtout quand on est habitué comme moi au tapis et au coin de cheminée. Baisez-moi, réchauffez-moi et venez me cherchez bien vite, bien vite. Je vous attends. Aime-moi, mon adoré, crois en moi et soyons heureux. Je te suis si absolument et si honnêtement fidèle. Je t’aime si bien de toute mon âme que c’est vraiment une cruauté que d’avoir l’air d’en douter. À bientôt, mon adoré, à tout à l’heure, je vais mettre mon chapeau, mon mantelet et mon manchon tout prêt. Cela me tiendra chaud et ça n’est pas à dédaigner par les 15 degrés au-dessous de zéro de cette chambre. Il n’y a que dans mon cœur qu’ilb fasse trop chaud.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 217-218
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « chauffrette ».
b) « qui ».

Notes

[1M. de Barthès est un proche de Cécile Watteville, qui vient de mourir, et a élevé Claire dans son pensionnat.

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