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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 décembre [1839], mercredi soir, 5 h. ¾

Tu es bon, tu es aimé, tu es mon Toto adoré. Vaa, ne crains rien de moi, mon pauvre bien-aimé, rien ne porte bonheur comme la confiance en amour. Si tu savais combien c’est vrai que je t’aime et que je te suis fidèle, tu serais le plus tranquille et le plus heureux des hommes. Donne-moi tes pieds que je les baise. Vaa, j’ai joliment dit ce que j’avais sur le cœur à la mère Lanvin : ta générosité, ta bonté ineffable, ta beauté qui n’est pas à dédaigner car vous étiez joliment éblouissant tout à l’heure. La mère Lanvin elle-même s’en est aperçue ; et puis vous savez ce que vous a dit OURLIAC hier, et certes, ce n’est pas moi qui vous l’ai fait dire car si j’avais été là au moment où il vous faisait de si beaux compliments et de si belles propositions, je lui aurais riboulé des yeux et je lui aurais fichu des coups de pieds dans les os des jambes pour lui apprendre à se rouler dans le BEURRE et dans le persil ni plus ni moins qu’un certain poisson méprisé et méprisable. Vous n’avez donc rien à craindre de moi, mon petit homme adoré, car je vous aime de toute mon âme et de toutes mes forces. Car je ne pense qu’à vous. Car je ne parle de vous que le respect et l’adoration sur les lèvres. Car vous êtes, non seulement le bien-aimé de mon âme, mais encore ce qu’il y a de plus beau et de plus grand au monde. C’est bien dans toi que le Bon Dieu a sculptéc son image : il est impossible qu’il soit et plus beau et plus sublime. Oh ! Je t’aime. Tiens, je voudrais te baiser. Je me suis joliment dépêchée, j’espère, débarbouillée, coiffée, ma robe seule reste à mettre mais ta tisaned et tes linges sont propres, mais mes comptes sont faits, mais je t’ai écrit cette grande lettre-là. La mère Lanvin est encore restée une demi-heure après toie. Je lui ai donné cette fameuse robe pour ses étrennes, elle a été ravie et comblée. La pauvre femme, c’est un plaisir de lui donner quelque chose car outre qu’elle en est très reconnaissante, elle en tire un si grand parti et sait si bien se faire honneur avec tout que c’est vraiment une double bonne action que de lui donner quelque chose. D’ailleurs elle nous rend service d’un bout de l’année à l’autre et avec dévouement, ce qui est rare. Baise-moi, mon Toto. Je t’aime. Je suis heureuse. Je suis fidèle. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 155-156
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « Vas ».
b) « apperçu ».
c) « sculpter ».
d) « tisanne ».
e) « demie heure ».

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