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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 août 1839

4 août [1839], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour mon cher petit adoré, bonjour mon bien-aimé chéri. Comment vas-tu mon Toto, comment vont tes yeux, comment vont tes jambes ? Tu dois être épuisé de fatigue, je ne peux pas penser à cela sans être remuée jusqu’au fond des entrailles. Hier, quand tu m’as dit que tu ne dormais que deux heures par nuit, j’avais le cœur serré. Pourvu que tout ce courage n’aboutisse pas à une maladie. C’est ma crainte de tous les jours et de tous les instants. Aussi je prie le bon Dieu de m’épargner ce malheur car je n’y résisterais pas. Pauvre bien-aimé adoré, ne sois pas malade, ne fais pas d’imprudence et aime-moi.
J’ai déjà les toiseurs chez moi, c’est pour la seconde ou la troisième fois qu’ils viennent. C’est peu récréatif. C’est tantôt que j’attends la mère Pierceau. Je serais très vexée si elle ne venait pas car j’ai fait des provisions à cette intention, et de ce temps-ci ça se conserve peu.
J’ai mal à la tête, je crois que je dors trop. Mais le moyen de faire autrement ? Hier, excepté la petite minute où je t’ai vu dans la journée, je n’ai pas vu une seule figure humaine ni dit une seule parole, si ce n’est pour me mettre en colère contre cette vilaine fille. Aussi je m’endors, ce qui entretient chez moi le sang à la tête ou le mal de tête, ce qui est la même chose. Aujourd’hui je vais tâcher de me distraire afina d’être plus éveillée et moins lourde ce soir. Vous finirez par ne plus m’aimer si je continue comme ça, et moi j’ai besoin de vous aimer et d’être aimée de vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 187-188
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « à fin ».


4 août [1839], dimanche soir, 4 h.

J’ai bien mal à la tête et aux reins, mon cher petit homme, mais j’espère être soulagée demain car il vient de m’arriver ce qu’il faut pour cela. Il n’y a donc plus que patience à prendre et c’est à quoi je m’applique de mon mieux, surtout à votre occasion, et c’est à quoi je réussis le moins. Mme Pierceau n’est pas encore arrivée, et j’ai dans l’idée qu’elle ne viendra pas. Et pour ne pas rester seule comme un pauvre chien, ce qui m’hébètea et m’embête, j’ai envoyé chercher après ma vieille Joséphine qu’on a trouvée dans sa chambre entre son dîner et son livre de messe. Ainsi elle va venir. Si tu la vois, fais-luib bon accueilc, je te préviens qu’elle est des plus farouches. Et puis ne me gronded pas d’avoir si peu l’esprit de mon état, c’est-à-dire de la réclusion et de la claustration la plus rigoureuse. Je ne me plaindrais pas si c’était de la solitude à deux avec toi, au contraire. Mais seule, absolument seule, ça me rend malade et stupide. Il a fait bien vilain tantôt, mon petit homme, j’espère que vous n’étiez pas sous les gouttières dans ce moment-là ? Au reste vous êtes si absorbé par votre travail que vous ne sentez ni le chaud ni le froid, ni la pluie, ni le vent, et c’est fort heureux. Mais je désire que cette insensibilité ne s’étende pas jusqu’à moi car j’ai autant besoin de votre amour que du mien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 189-190
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « m’ebête ».
b) « fait lui ».
c) « acceuil ».
d) « grondes ».

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