Paris, 20 juillet [18]72, samedi soir, 4 h.
Je suis à l’état de pomme cuite au four, mon cher bien-aimé, bonne tout au plus à jeter dans la caboche d’un bonapartiste, mais incapable de me remuer, même pour aller en voiture avec toi, à moins que ce ne soit ce soir après dîner et à la fraîche. Je te demande pardon de ma mollasseriea. Le cœur s’en défend mais les jambes refusent complètementb le service. Et cependant j’ai le plus grand besoin de me ravitailler d’un mantelet et d’un chapeau. Malheureusement, contre la faiblesse il n’y a pas plus de résistance possible que contre la force. Dites donc, môsieur, je vous la coite [1] bonne et heureuse. Je cuis [2] fière et heureuse d’être la première en date. Cependant je crains que des gens bien ferrés sur la sainte tradition de fêter le saint la veille ne m’aient déjà devancée. Ce qui rabat un peu mon caquet et me nivelle la Hulpe [3]. Mais quel que soit l’ordre d’arrivée dans ce steeple chase [4] d’almanach je suis toujours sûre de tenir la corde d’amour et de ne jamais la lâcher pas plus en ce monde que dans l’autre, pas plus en enfer qu’en paradis. Telle est ma force. Pouvez-vous en dire autant de la vôtre et le prouver comme moi, ce qui est pire ? En attendant l’honneur de votre réponse je vous adore.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 207
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette
a) « molasserie ».
b) « complettement ».