Guernesey, 12 juillet 1859, mardi, 4 h de l’après-midi
Il me reste un petit moment dont je profite avec emportement, mon cher petit homme, pour te donner mon cœur avec tout ce qui y tient. Je ne sais pas comment je m’arrange tous les jours, mais le fait réel et très maussade pour moi, c’est que je n’ai presque plus le temps de me livrer aux douceurs de la RESTITUS. J’attends le retour de Suzanne avec toutes sortes d’impatiences, dans l’espoir de reprendre mes chères habitudes d’amour et de tendresse. En attendant je m’épuise bêtement dans les choses du ménage, ce dont je sue et je rage assez : en ce moment, je ressemble plus à une rigole qu’à une femme et j’ai encore à donner à manger à mes poules et à fermer mes fenêtres et mes portes avant de me donner corps et âme au pique-nique et à son auguste famille. Je me dépêche de vous baiser et de vous aimer en nage.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 158
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette