Guernesey, 29 décembre, [18]65, vendredi matin, 7 h. ¾
Il y a dû avoir un CIDRE [1] dans nos environs, mon cher petit homme, car les voitures ont roulé avec fracas jusqu’à une heure du matin, ce qui fait que je crains que, comme moi, tu aies passé la nuit à peu près blanche. Cette pensée n’a rien de plaisant, tant s’en faut, et je n’ai pas la moindre envie de rire ce matin. Tant que je ne saurai pas comment tu t’es tiré de ta nuit, je ne serai pas tranquille. Le temps est déjà sensiblement plus clair le matin qu’il y a huit jours, car malgré la pluie et la tempête de cette nuit, il faisait petit jour à sept heures un quart. Je le remarque avec plaisir pour toi, mon pauvre piocheur acharné. Je n’ose pas te faire penser que c’est dans trois jours, lundi, le jour de l’an. C’est-à-dire joie et fête pour mon cœur et pour mon âme à cause de ta bonne petite lettre annuelle [2]. Mais tu as tant et tant de choses à faire que j’ai quelquesa remords à te faire penser à celle-là. Je ne te demande qu’un mot : je t’aime. Avec ce mot-là seulement, je ferai le bonheur de toute mon année. En attendant je te souris, je t’aime, je te bénis et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 221
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « quelque ».