Guernesey, 13 décembre, [18]65, mercredi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour. Tâche de ne pas te réveiller encore car il fait à peine jour et il fait bien froid. Quant à moi, j’ai eu fini ma nuit à quatre heures du matin. Depuis ce temps-là, je n’ai fait que m’agiter avec plus ou moins d’impatience dans mon lit. Je me suis souvenue que tu m’avais demandé la chanson du hanneton avant-hier et pour ne pas oublier de te la donner je viens de l’écrire séance tenante. Tu la trouveras jointe à mon gribouillis de ce matin. J’espère que tu n’as pas suivi mon mauvais exemple, au contraire, et que tu as fait une very good nuit. Je me goberge [1] dans cette douce pensée et dans l’espoir de recommencer notre charmante promenade d’hier. Tout à l’heure, je descendrai prendre mon bain, ce qui me détendra tout de suite. C’est aujourd’hui que j’ai quitté Paris avec joie il y a quatorze ans. La pensée de te retrouver m’empêchait de sentir l’énorme et inquiétante responsabilité qui pesait sur moi dans la PERSONNE de tes manuscritsa [2]. Heureusement, tout s’est bien passé dans ce drame lugubre et j’ai pu te dire en te retrouvant et en te montrant la sublime partie de toi-même : SAUVÉ, MON DIEU ! Depuis je ne cesse pas de dire : MERCI, MON DIEU ! Et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 205
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « manuscrit ».