Guernesey, 1er décembre, [18]65, vendredi matin, 7 h. ½
Bonjour, vous, bonjour, toi. Comment êtes-vous ce matin, comment as-tu passé la nuit et comment va ta chère petite main [1] ? Je sais que tu n’es pas levé et je t’approuve de rester au lit tant que le jour ne sera pas plus clair. Tâche de te reposer et de dormir le plus longtemps que tu pourras, mon doux adoré. Tout ce qui peut entretenir ta santé et ta force, il faut le faire dans mon propre intérêt puisque tu es ma vie, ma joie et mon bonheur. La journée s’annonce bien et je crois que nous pourrons faire une longue et charmante promenade tantôt. Tu verras si c’est le moment pour moi de PAYER MES VISITES aux Corbin et aux Marquand. Je crains que, d’ajournement en ajournement, je ne finisse par ne plus pouvoir m’acquitter honnêtement de ces dettes-là [2]. Je devrais aussi aller voir Mme Allez et la pauvre Miss Boutillier qui n’a plus beaucoup de temps à passer en ce monde. Il faudra que je prenne sur moi de voir tout ce monde-là bientôt. En attendant, je te demande une very good promenade pour aujourd’hui. Ce serait le cas de te demander : Toto les petits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils des jambes ? Je me permets d’en douter à la lenteur de celui qui doit apporter nos colis [3]. Si son factage est en raison des jours qu’il passe en route, ta caisse te coûtera un FORT prix et beaucoup plus cher que par le packet [4] probablement. Ces remarques remarquables ne m’empêchent pas de sentir que je suis stupide et que je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 193
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette