Guernesey, 7 mai [18]68, jeudi matin, 7 h.
Cher bien-aimé, je suis un peu moins tourmentée depuis que je t’ai vu et que j’ai échangé des yeux mon baiser pour le tien ; et cependant, je sais que tu n’as pas bien dormi, je sens que tu souffres, que tu es triste et malheureux. Je demande à Dieu de te rendre au plus vite le bonheur sous sa vraie forme de petit Georgesa charmant, souriant et lumineux. En attendant, je le prie de faire de mon amour le baumeb qui calme ta blessure jusqu’au jour de la résurrection du doux enfant que tu pleures [1]. J’espère qu’il m’entendc et qu’il m’exaucera dans tout ce que je lui demande pour toi et que tu sens déjà en toi un peu de calme et de consolation. Quand tu écriras àd tes deux chers fils, Charles et Victor, n’oublie pase, je te prie, de les remercier pour moi du cher petit portrait dont la mort semble avoir augmenté encore la beauté en le transfigurant. Dis-leur que je les aime et que je pleure toutes leurs larmes. Je t’adore, mon grand, mon vénéré, mon sublime éprouvé.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 126
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud, Souchon, Massin]