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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 octobre [1835], mercredi matin, 10 h.

Bonjour, mon cher petit infidèle. Il paraît que vous avez mieux aimé restera dans le lit de votre jeune personne que de venir dans celui de votre vieilleb femme. C’est assez significatif et je ne demande pas d’autre preuve de votre trahison. Je me regarde comme tout à fait déliée envers notre amour et le premier Toto qui se présentera pour coucher avec moi, je l’accepterai avec beaucoup de reconnaissancec et de pain d’épices.
Je continue mon mal de tête avec une ténacité et une violence qui m’effraie. Je ne sais plus à quel saint m’avouer. Je ne peux ni lire, ni écrire, ni dormir. Jolie position pour une femme seule qui n’a pas d’autre conversation que ses livresd, d’autre compagnie que son oreiller. J’ai envie d’envoyer chercher 1 sou de tabac pour essayer de déplacer ce mal de tête qui est encore ce matin plus fort qu’hier au soir. Si cela ne me fait pas de bien, cela ne peut pas faire de mal et sous ce rapport, c’est un remède qu’on peut essayer sanse inconvénient.
La journée se prépare encore pour moi comme celle d’hier, comme celle d’avant-hier, comme toutes celles que nous avons passées depuis que nous sommes revenus de la campagne  [1] : chacun de notre côté.
C’est fort agréable surtout quand on aime comme je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 56-57
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « aimé rester ».
b) « vielle ».
c) « recconnaissance ».
d) « ces livres ».
e) « san ».


28 octobre [1835], mercredi soir, 8 h. ¼

Mon bon petit ange, j’ai fait comme tu m’as dit, j’ai mangé, mangé. Le seul soulagement que j’en ressente jusqu’ici, c’est un redoublement de mal de tête à hurler. Je ne sais ni ce que je t’écris, ni ne vois ce que je t’écris. Je suis toute à mon mal. Ça me vexe d’autant plus que j’ai une foule de bonnes choses à te dire, que j’ai un tas d’admiration qui ne demande pas mieux que de sortir. Mais le moyen de dire ou d’écrire un seul de ces sentiments ou une seule de ces pensées quand on a sa main sur le front et sur les yeux et l’éternel : Ah, mon Dieu que je souffre, mon Dieu que je souffre. Oh ! oh ! que je souffre ! sur les lèvres.
C’est égal, le mal de tête dira ce qu’il voudra mais je lui vole de son temps pour te dire que je t’aime, que ma vie et mon amour depuis le jour où je t’ai vu n’ont été qu’un long crescendoa dont la première note est dans mon cœur et la dernière au ciel, que je suis toute éblouie, n’importe sous quel aspect je te considère. Amant ou poète, tu es adorable et admirable.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 58-59
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « crécendo ».

Notes

[1Ils sont rentrés de leur villégiature dans la vallée de la Bièvre le 13 octobre 1835.

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