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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Aux Metz, lundi matin [5 octobre 1835 ? [1]], 8 h. ¾

Bonjour, mon cher adoré, j’espère que tu auras passé une meilleure nuit que moi puisque tu n’avais pas les mêmes raisons pour souffrir. J’ai donc passéa une nuit affreuse, sans dormir une heure de suite et dans un désespoir dont tu n’as pas d’idée si tu n’as jamais rien perdu auquel tu tenais autant qu’à ton amour. Aussi ce matin, suis-je à faire peur. Mon mal de tête n’a pas diminué et mon genou me fait beaucoup de mal. Je suis vraiment bien malade.
Je suis allée encore ce matin jusqu’au chemin voir si par un miracle je ne retrouverais pas mon trésor. Mais je n’ai rien vub et je suis revenue encore plus triste comme si j’avais perduc mon dernier espoir. Et cependant, il m’en reste encore un tout petit, celui de retrouver ma pauvre petite lettre sur le chemin des Metz aux Roches, après quoi tout sera fini, car tu n’es pas homme à faire pas à pas tout le chemin que nous avons fait hier pour retrouver peut-être une partie du bonheur de ta Juju. Moi, je ferais tout le chemin qu’on voudrait par la pluie, la grêle et le tonnerre pour avoir chance de retrouver ma chère petite lettre, mon trésor, mon amour.
Je suis vraiment trop malheureuse. La vie m’ennuie. Mon Dieu, mon Dieu, que je suis malheureuse.
Pourvu que tu n’ailles pas rire de mon chagrin, pourvu que tu me plaignesd et que tu comprennes bien ma tristesse. Je t’avoue que je crains que tu n’aies pas pour cette souffrance autant de compassion qu’elle en mérite. Je suis vraiment bien à plaindre, va. Je t’aime, mon Victor, je t’aime dans tout, je t’adore sous toutes les formes. Tout ce qui est toi ou me vient de toi m’est si précieux que je suis bien malheureuse quand j’en perds une parcelle. Ainsi, juge.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 332-333
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « passée ».
b) « vue ».
c) « perdue ».
d) « tu me plaigne ».


Aux Metz, lundi soir [5 octobre 1835 ? [2]], 7 h. ¾

Je ne suis plus aussi triste ni autant exaspérée qu’hier au soir et que ce matin. Je ne suis que triste de ton absence, comme toujours mais je t’aime, mais je t’adore, mais je suis heureuse de marcher à côté de toi. Ainsi, juge de mon bonheur quand tu tournes vers moi ta belle figure, juge de mon ravissement quand tu me serres dans tes bras, quand tu me dis que tu m’aimes.
Non, mon cher bijou, je ne m’ennuie pas d’être avec toi quand tu travaillesa puisque je te vois. Je t’aime encore plus en songeant à ton courage, à ta persévérance.
Je suis rentrée à 7 h. précisesb. J’étais extrêmement fatiguée à cause de mon genouc et de l’inconvénient dont je t’ai parlé et qui m’était survenu pendant l’événement d’hier au soir. Je me suis déshabillée, j’ai rangéd mes affaires, j’ai comptée et baiséf mes petites lettres, j’en ai cinq. Quel trésor, quel bonheur !
Maintenant je suis à table avec mon potage devant moi mais je ne veux pas le manger avant de t’avoir ditg un peu ce que j’ai dans l’âme. D’abord, je t’aime, je t’adore, je pense à toi, je te désire et je t’espère car jamais temps n’a été plus favorable aux amoureux. Il fait un clair de lune magnifique et le plus beau temps du monde. Ainsi si vous ne venez pas, vous n’aurez pas d’excuse et je serai très mouzonne demain.
Vous m’avez repris mon calembour que je croyais si bien à moi. C’est très mal à vous de m’exproprier comme cela sans plus de façon. Aussi pour vous apprendre, je vous aime et je vous attends et je suis prête à tout.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 334-335
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « travaille ».
b) « précise ».
c) « genoux ».
d) « rangée ».
e) « comptée ».
f) « baisée ».
g) « de t’avoir dis ».

Notes

[1En l’absence d’indication sur le quantième et le mois, la succession des lettres dans le classement de la BnF, les jours de la semaine et heures qui se suivent chronologiquement et le contenu des lettres nous invitent à proposer cette datation.

[2En l’absence d’indication sur le quantième et le mois, la succession des lettres dans le classement de la BnF, les jours de la semaine et heures qui se suivent chronologiquement et le contenu des lettres nous invitent à proposer cette datation.

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