Guernesey, 4 décembre [18]68, vendredi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon bien-aimé. J’ai déjà envoyé une bordée de baisers contre ta maison qui a tenua bon devant cette mitraille ; mais j’espère que vous serez moins dur à cuire devant mon plus gros projectile et je vous bombarde mon cœur tout d’une pièce [1]. J’ai eu une nuit quelconque et je compte sur la tienne pour compenser la mienne.
Mon cher bien-aimé, j’aurais désiré te faire tout de suite les honneurs de ton superbe cadeau mais j’ai craint d’éveiller la jalousie de notre petit entourage. Cependant il faudra bien finir par avouer cette nouvelle splendeur que je dois à ta générosité toute aimable et toute charmante. Aussi je compte dégainer mes beaux couteaux d’argent soit à Christmas ou au jour de l’an ou pendant le séjour de M. Asseline ici, si tu le permets. On a de magnifiques couteaux, c’est pour s’en servir et non pour les mettre dans sa paillasse, n’est-ce pas ton avis ? J’ai serré ta barbe du 2 décembre parmi mes plus chères reliques et après l’avoir couverteb de baisers [2]. Je les ai toutes par ordre de datesc depuis la première que tu m’as donnée jusqu’à celle-ci [3].
BnF, Mss, NAF 16389, f. 333
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Blewer]
a) « qui a tenue ».
b) « l’avoir couvertes ».
c) « dattes ».