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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 avril 1840

6 avril [1840], lundi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon adoré, je vous écris toutes mes fenêtres ouvertes et mon papier éclairé par le soleil à travers lequel votre pensée jette des rayons et me brûle le cœur. Baise-moi mon Toto chéri, je t’aime comme le premier jour, je t’aime autant de fois plus encore qu’il y a eu de secondes, de minutes, d’heures, de jours, de semaines, de mois et d’années depuis le premier jour jusqu’à aujourd’hui. Tu peux y ajouter : le sable de la mer, les étoiles du ciel, les cahiers et les crayons des écoliers, y compris celui de Toto à qui je prends la comparaison. Je vous demanderai aussi, mon amour, pourquoi quand vous êtes si aimé, si désiré et si attendu, vous ne venez pas déjeuner avec votre Juju ? Cependant c’est bien le moment de vous réveiller, voici le printemps, le soleil et les fleurs, il me faut l’amour ou sinona je donne ma démission. Vous m’avez promis de la copie aussi, vieux scélérat, et vous ne m’en donnez pas. C’est ben agréable, c’est ben agréable. Eh ! ben je ne suis pas contente. Tâchez de ne pas me manquer aujourd’hui de TOUTES LES MANIÈRES ou je vous fiche des coups. Baisez-moi en attendant. Voici comment j’ai corrigé votre AURTOGRAFE qui me fait honte ma foi : Filipe, r. Monthorgueille [1]
2 doux aines duitres
1 sot mons ô huithres
2 cautelaites jardiniaire
1 pettite poi oh ! as père je
1 nabrico ah ! la quondé
1 bouteille vain hordinerre 10 f. 3sous
3 avrille disse ui sang carante.

Baisez-moi futur académicien et apprends ta langue, malheureux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 11-12
Transcription de Chantal Brière

a) « si non ».


6 avril [1840], lundi soir, 10 h. ¼

Comme j’allais t’écrire ce soir, sonta arrivée Joséphine et sa sœur Eulalie qui était venue aider sa sœur à déménager. Je les ai retenues à dîner, ces pauvres bonnes filles, en souvenir de mon enfance qui ne fut rien moins que rianteb. Enfin elles sont parties et je t’écris du fond de mon cœur que je t’aime et que tu es un pauvre ange. Je viens de lire ta lettre à la duchesse d’Orléans, elle est admirable et je t’aimerais de l’avoir écrite si je ne t’adorais déjà depuis le premier jour où je t’ai vu. J’espère cependant que cette demoiselle ne se permet de ne demander que l’aumône et qu’elle n’aura pas d’autre prétention que celle de l’avoir obtenue de toi ? Je suis très jalouse, je le sens plus que je n’ose te le montrer et tout m’est suspect, même les mendiantes. Je me défie des femmes qui font des vers et qui n’ont que leur amour. Mais j’ai confiance en toi mon noble et généreux Toto et je te crois incapable de me tromper jamais. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Je vais copier ta lettre pour avoir toujours sous les yeux le souvenir de ta bonté et de ta belle âme. Je voudrais n’être pas aussi folle d’amour pour pouvoir te dire combien je t’aime et comment je t’aime. Justement te voilà, je vais bien te baiser comme je t’adore de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 13-14
Transcription de Chantal Brière

a) « est ».
b) « riant ».

Notes

[1Il s’agit d’un menu du restaurant Philippe, situé rue Montorgueil : 2 douzaines d’huîtres, 1 saumon aux huitres, 2 côtelettes jardinière, 1 petits pois aux asperges, 1 abricot à la Condé, 1 bouteille vin ordinaire, 3 avril 1840.

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