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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 novembre [1840], vendredi soir, 5 h.

Je mets l’heure un peu au hasard, mon adoré, parce que ma pendule ayant été arrêtée pendant qu’on faisait le ménage, je l’ai remise à l’heure d’inspiration. Vous êtes-vous assez moqué de moi, tantôt, mon Dieu. Peut-être y avait-il plus que de la bonne humeur dans votre fait en voyant combien la plaisanterie dans de certains moments réussita peu à mon caractère irritable. D’ailleurs il serait peut-être bon, même pour la servante, qu’elle ne se crût pas autorisée par vous à faire tout de travers ou à ne rien faire du tout, ce qui ne vaut guère mieux. Cependant si tu aimes mieux rire et être mal servi, te moquer de moi et me voir souffrir, tu es le maître et je n’ai rien à dire et je ne t’en aimerai pas moins.
J’ai envoyé chercher des brosses à cheveux à choisir et des gants et voilà que pendant que Suzanne était chez Lambin que le charbonnier est venu ce qui fait que le charbon et la dépense payée il ne me reste pas un sou pour payer le parfumeur. Je t’attends pour choisir ta brosse et pour résoudre la question de l’argent. Pendant que j’y pense il faut que je te soumette une autre question. La bonne a détraqué la porte du fourneau si bien que lorsque le charbon est allumé il n’y a aucun moyen de ralentir le feu ni de l’éteindre, de cette façon on a usé une voie [1] de charbon en vingt jours ce qui est beaucoup trop pour notre cuisine. Il faudrait faire remaçonner cette porte mais je ne connais pas de maçon et je crains que le premier venu n’abuse de mon ignorance en fait de plâtras. Il me semble que le mieux serait d’écrire au propriétaire qu’il en charge son maçon comme étant pour lui et lui rendre de la main à la main le déboursé de cette petite réparation. Je te laisse juge de cela en t’avertissant seulement que plus tôtb ce sera fait mieux ça vaudra pour notre charbon. Voici une grosse lettre toute remplie de détails de cuisine et de cuisinière tandis que j’ai mille choses à te dire plus intéressantes. Je t’aime mon Toto, je t’adore mon cher petit homme. Tu es de plus en plus le plus beau et le meilleur des hommes comme je suis de plus en plus la plus maussade et la plus méchante des femmes. Je voudrais te copier mais je n’ai pas encore trouvé le joint [2] et je crains de finir ma vie avant d’avoir trouvé ton fameux secret. Je me borne à l’envier et à l’admirer et je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 187-188
Transcription de Chantal Brière

a) « réussi ».
b) « plutôt ».

Notes

[1La voie est une unité de mesure.

[2Un moyen secret de réussite.

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