Bruxelles, 8 septembre 1868, mardi matin, 8 h.
C’est un bonjour à l’aveuglette que je te donne ce matin, mon cher bien-aimé, car je n’y vois goutte avec tes lunettes. Cela m’humilie d’autant plus que je m’étais flattée jusqu’à présent de tout voir et de ne bien voir que par tes yeux. Aujourd’hui je suis forcée de reconnaître qu’il en faut rabattre au moins de moitié et me contenter de l’optique de mon cœur puisque celui de la tête me refuse le service. Comment as-tu passé la nuit, mon cher bien-aimé ? Moi, très bien. Est-ce que le projet de Groenendaela [1] tient toujours pour aujourd’hui ? Si cela était, il faudrait que je me tienne prête. Au reste, mes apprêts seront bientôt faits et ne vous retarderontb dans aucun cas. Aussitôt après le déjeuner, j’irai acheter des lunettes car celles-ci me font mal à la tête et pleurer les yeux et prendre mes vessies pour tes lanternes, ce qui nuit à la majesté de ma restitus. Je me hâte de te baiser de la tête aux pieds au hasard.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 249
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « Gröendael ».
b) « ne vous retarderons ».