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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 mai 1840

18 mai [1840], lundi soir, 7 h. ½

Croirais-tu, mon pauvre bien-aimé, que je viens de finir seulement à présent tous mes tripotages de ménage, de blanchisseur, de tisanea, de savonnage, de peignage et de débarbouillage ? C’est cependant bien vrai et encore je ne me suis pas amusée. J’espère que tu vas venir tout à l’heure dîner avec moi et cette pensée me rend toute guillerette et me donne appétit ; et puis si tu me manquesb je serai triste et grognon et je mangerai mal. Tâche de venir mon cher petit amoureux. J’ai bien savonné vos chaussettes mais il est urgent d’en avoir d’autres parce qu’à ce métier-là elles ne dureraientc pas longtemps et qu’on aurait d’ailleurs pas le temps de les entretenir dans l’intervalle d’un jour à un autre. Oh ! ça, mon Toto, est-ce que vous comptez me laisser longtemps cet entrepôt de stupidité sur ma cheminée ? J’en ai déjà bien assez dans ma tête sans en avoir encore sur ma cheminée. Je ne vous écris qu’à la condition que vous me débarrasserez de mes gribouillis au fur et à mesure que je les ferai sinond je rengaine mes compliments, mes cuirs et mes bêtises. Je n’ai pas envie moi de me mettre en frais pour rien. Aussi c’est dit si vous n’emportez vos gribouillis ce soir je m’abstiendrai de vous en faire demain. Voilà huit jours juste que vous me les laissez sur le dos et voilà tout autant que je n’ai mis le pied dans la rue, comment voulez-vous après ça que je n’aie pas de maux de tête, hein ? Taisez-vous et venez me baiser tout de suite.
J’ai vu Mme Besancenot tantôt qui toute triomphante venait me parler du blanchisseur mais surtout pour me dire que son mari allait lui donner un châle d’été pour sa fête. Heim ! heim ! heim ! Heureusement que je suis en avance pour mon CADEAU car sans cela j’étais écrasée du poids de la galanterie et de la générosité de Besancenot, Besancenot, Besancenot, BESANCENOT. Mais ce qu’elle n’aura pas ma voisine et ce que j’aurai moi c’est un petit bouquet de fleurs éternelles, plus brillantes que les étoiles, plus parfumées que l’oranger, plus variées et plus ravissantes que toutes les plus belles du jardin du bon Dieu. Et ce bouquet-là c’est mon Toto qui me le donnera. Attrapee ça Besancenote et baise-moi toi que j’aime de toute mon âme et de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 149-150
Transcription de Chantal Brière

a) « tisanne ».
b) « manque ».
c) « elle ne durerait ».
d) « si non non ».
e) « Attrappe ».

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