29 juillet 1851, mardi matin, 7 h.
Bonjour, mon Victor, bonjour, je t’aime, je suis heureuse, j’ai le cœur plein de joyeuses espérances. Je n’ai plus peur, je ne souffre plus. J’ai dormi, je te souris et je te porterai jusqu’au ciel quand tu viendras. C’est aujourd’hui que le sort de ton fils et le nôtre se décidenta. Je n’ose pas pousser l’espérance jusqu’à nous flatter d’un sursis offert. Aussi ce serait une surprise qui me comblerait de joie si, par impossible, MM. de la police et du gouvernement avaient l’esprit d’avoir du cœur. C’est peu probable mais je suis si heureuse, si enivrée, si comblée et si reconnaissante de ton amour, que je ne demande rien de plus au bon Dieu dans la crainte de bien paraître trop exigeante. Être aimée de toi mon Victor et ne pas te quitter par la pensée et le désir, c’est le bonheur, sinon dans toute son extension, au moins dans toute sa confiance, et dans toute sa sécurité. Enfin je suis si heureuse de t’avoir reconquis tout entier que je n’ose rien demander de plus au bon Dieu dans ce monde-ci. Mon Victor, je t’aime, je vais redevenir ta Juju aimée et préférée d’autrefois. Tu vas voir comme je vais m’y appliquer.
BnF, Mss NAF 16369, f. 149-150
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette