Guernesey, 14 mars 1868, samedi matin, 7 h. ½
Je t’aime, voilà mon bonjour. Je te l’envoie doublé de ma bonne nuit en te priant de me donner en échange le même bonjour et la même bonne nuit pour en faire le bonheur et la joie de toute ma journée. Que tu es bon et aimable de vouloir que j’aie ma part de l’exhibition de ton beau fusil aujourd’hui [1] ! Je t’en remercie de tout mon cœur et je serai prête à l’heure que tu voudras. Quel touchant et noble témoignage d’admiration et d’amour te donne ce brave armurier Morisseauxa et ces deux cent quarante et un ouvriers collaborateurs réunis pour faire un chef-d’œuvre collectif en l’honneur de tous tes chefs-d’œuvre personnels. Pour moi, j’en ai l’âme remuée en y pensant. En voilà un, de fusil, qui est sûr de faire MERVEILLE, lui aussi, plus glorieusement et plus utilement que tous les plus foudroyants et les plus meurtriers de son espèce. Comme toujours, je te dis bien mal ce que je sens si bien. Mais tu es si bien habitué à lire dans mon cœur à travers les embrouillaminis de ma pensée que je ne m’en inquiète pasb et je t’adore imperturbablement.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 75
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « Morisseau ».
b) « je m’en inquiète pas ».