Guernesey, 1er mars 1868, dimanche, 7 h. du matin
Cher adoré bien-aimé, je t’envoie mon bonjour, mon beau jour, mon bonheur dans un baiser avec prière de les bien recevoir et d’en tirer le meilleur parti possible. Je pense avec joie que puisque tu es déjà levé c’est que tu as passé une bonne nuit. Moi aussi j’ai très bien dormi et je me porte de charme, comme on dit ici. Cela étant, il faut que nous soyons tous les deux très bons, très amoureux l’un de l’autre et très heureux. Moi, je m’engage de tout mon cœur et de toute mon âme et je prends pour caution de la sainteté de mon amour nos deux chers anges et Dieu lui-même. Je le supplie de me laisser vivre auprès de toi et autant que toi pour que nos deux âmes s’envolent en même temps dans l’éternité. Cette prière, je la répète incessamment dans ma pensée et dans mon cœur dans l’espoir qu’elle sera exaucée. Il faut que tu en fassesa autant de ton côté, mon cher bien-aimé, afin que nos deux aspirations n’en fassentb qu’une et indissolublec sur la terre et au ciel. Aime-moi, souris-moi, bénis-moi comme je t’aime, comme je te souris, comme je te bénis avec ce que j’ai de plus tendre, de plus doux et de plus religieux dans l’âme.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 61
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tu en fasse ».
b) « nos deux aspirations n’en fasse ».
c) « indissolube ».