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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 11 octobre 1852, lundi soir, 8 h.

Il ne m’est pas difficile de retrouver à douze heures de distance, mon cher bien-aimé, les mêmes sentiments d’ineffable tendresse et d’adoration qui sont en permanence dans mon cœur depuis le premier moment où je t’ai vu [1]. Seulement ma confiance à te les dire varie selon que je me crois plus ou moins aimée ; de là viennent souvent les omissions volontaires de mes informes gribouillis. Aujourd’hui, j’avais le cœur si navré de tristes souvenirs que j’avais pris la résolution de ne pas t’écrire dans l’espérance de pouvoir te les cacher par ce moyen. Ton arrivée inattenduea a dérangé cette misanthropique résolution. Loin de m’en plaindre, tu vois que je saisis avec empressement le prétexte de me départir de cette affreuse rigueur envers moi-même et je te remercie avec reconnaissance de me l’avoir donné. Maintenant, mon bien-aimé, laisse-moi te dire que dans mes désespoirs rétrospectifs, il n’entre aucune colère et aucune rancune contre toi. Je t’ai pardonné dès le premier moment de cette cruelle révélation mais il m’est impossible de ne pas souffrir jusqu’à la mort chaque fois que ma pensée rencontre ces douloureux souvenirs. Si j’étais sûre de ne pas les retrouver après ma mort et de faire qu’ils n’aient jamais existé, il y a longtemps que je me serais hâtée de m’en délivrer tant ils me font horreur. Quant à toi, mon bien-aimé, je te bénis jusque dans le mal que tu m’as fait et je prie Dieu de t’épargner dans tes saintes affections de famille et de t’aider dans l’œuvre sublime de dévouement que tu as entreprise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 39-40
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « inatentue ».

Notes

[1Lors des répétitions de Lucrèce Borgia au théâtre de la Porte Saint-Martin en janvier 1833.

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