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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mai 1839

23 mai [1839], jeudi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour mon petit bien-aimé. Vous voyez que j’ai bien fait de saisir le bonheur au vol cette nuit puisque vous n’êtes pas venu ce matin ? Dorénavant je ferai toujours ainsi : « un bon tiens vaut mieux que deux tu auras. » comme disent les bonnes gens. J’ai encore vu mon propriétaire ce matin qui venait voir ses ouvriers et chercher la réponse pour le parquet de mon appartement : il a été convenu, définitivement, que cela serait moyennant l’augmentation que je t’ai dite et la sallea à manger sera frottée au lieu d’être lavée comme tu le désirais AVEC RAISON. J’espère que je m’exécute de bonne grâce ? Voilà un fameux exemple à suivre pour vous.
Je vais écrire un petit mot à Mme Krafft pour la remercier de ses fleurs et pour la prier de dîner avec moi quand elle voudra, c’est une politesse de pure forme car je ne crois pas qu’elle accepte.
Je vous écris votre grosse lettre d’hier ; ce soir je vous en écrirai une autre grosse pour aujourd’hui, après quoi nous serons quittes.
Je n’ai pas osé vous dire hier, mon petit homme, que je n’avais plus d’argent et plus de vin. Je ne sais pas si je l’oserai aujourd’hui mais dans le cas contraire pour parer à cette timidité, absurde, je vous écris ce qu’ilb en est. Le temps est froid et triste ce matin, vous devriez tâcher de venir pour me faire sortir un peu. Je trouverai le temps beau et chaud quand même car le bonheur, c’est l’amour, l’amour, c’est le soleil avec tous ses rayons. Jour Toto, Jour, mon petit Jour. Je vous aime, aimez-moi. Baisez-moi et venez très tôt, mon Toto, je vous adore. Papa est bien i. VOIME, VOIME. FORT JOLI. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 193-194
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « sale ».
b) « qui ».


23 mai [1839], jeudi soir, 6 h. ½

Comme j’ai l’espoir, mon adoré, que tu viendras me chercher de bonne heure ce soir, je t’écris tout de suite auparavant le dîner. Mme Pierceau n’a fait paraître ni peine ni plaisir de MA RENTRÉE chez elle, ainsi je crois prudent d’enrayer aussi sur mes visites comme sur autre chose…….. que vous savez. Mais je ris, Toto, mais je ris. On ne peut donc plus rire avec vous à présent ? Tiens, c’est pas très amusant alors. Jour un Toto. Je vous ai regardé encore longtemps après que vous ne me voyiez plus. Je baisais, de loin, vos chers petits talons, en les priant de me ramener tout de suite votre cher petit nez.
Quoi que vous disiez et quoi que vous fassiez, mon taquin, je m’en tiendrai au point d’HONGRIE pour ma chambre et à la FRISE pour mon SALON. Je ne suis pas fâchée d’ailleurs d’avoir l’occasion de vous faire enrager. Et MES VERS ? Dites donc, vous, je vous trouve encore bien drôle de me faire attendre si longtemps pour des méchants petits vers de rien du tout. Ô, mon adoré, je ris cette fois-ci car c’est pour les admirer, les baiser et les adorer que je les désire de toute mon âme. Je t’aime, vois-tu, je t’aime comme je voudrais bien être aimée de toi…. Je suis trop ambitieuse et j’en rabats de moitié, je m’en contenterai encore bien.
Je souffre de l’estomac, ce soir, je ne sais pas pourquoi. Peut-être que le dîner me remettra. Décidément, la mère Pierceau n’est pas ravie de me voir. C’est peut-être une idée, mais par prudence j’ajournerai ma seconde visite indéfiniment. Je trouve l’histoire de [Juchel [1]  ?] ravissante et je me promets tout à l’heure d’en faire les honneurs à table. Cela me dispensera de dire autre chose et c’est toujours ça de gagnéa. Je vous dis que je vous aime, Toto. Tâchez de ne pas me laisser longtemps ici car je m’ennuie déjà horriblement. Je regrette même beaucoup de n’être pas restée chez moi à faire mes chemises tranquillement. Enfin, j’y suis, il faut que j’y reste jusqu’à ce que tu viennes me délivrer. Tâche que ce soit bientôt. Je vous aime, Toto, entendez-vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 195-196
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « gagner ».

Notes

[1À élucider.

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