12 mai [1839], dimanche matin, 11 h. ¼
Bonjour, méchant homme, vous êtes bien venu me garder et voir si j’étais assassinée ? Une autre foisa, je vous croirai en reniflant comme vous dites. Il fait un froid de loup depuis hier et le temps a l’air chagrin, aussi je ne compte pas sur Mme Pierceau, ce qui sera cause que j’aurai le plaisir d’avoir fait des provisions pour rien, sans compter l’énorme PÂTÉ [1] dont je viens d’enrichir ma littérature. Je suis toujours pour ce que j’en ai dit sur l’Anténor Joly et je soutiens que je suis dans mon droit de me faire payer et de jouer. Je conserve donc mon attitude terrible et menaçante d’une cocotte prête à fondre sur le hideux hibou qu’on appelle par antithèseb JOLI. Je vais tout à l’heure donner mes derniers 10 francs à Mignon, après quoi je jouerai des castagnettes si vous ne venez pas à mon secours. Est-ce qu’il ne faut pas rire un peu et faire des pâtés [2] ? Depuis que j’ai mis de l’encre dans mon encrier et que j’ai taillé mes plumes, je ne fais que de la pâtisseriec au physiqued et au moral. Brioches et pâtés se succèdent avec une effrayante volubilité, mais si vous avez le courage d’en casser la croûte vous trouverez dans [toutes ?] beaucoup d’amour.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16338, f. 155-156
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
a) « autrefois ».
b) « anthithèse ».
c) « patisseries ».
d) « phisique ».
12 mai [1839], dimanche après-midi, 4 h. ½
Je ne vous ai pas encore vu, mon Toto, et la journée est déjà bien avancée. Est-ce que vous m’oubliez tout à fait ? J’ai vu tantôt M. de Barthès qui venait chercher de mes nouvelles, a-t-il dit, et m’apporter de celles de Mlle Watteville ; chemin faisant, il m’a aussi redemandé ta PROTECTION pour LUI. Je la lui ai promise faiblement et sans t’engager beaucoup. Il m’a encore parlé d’une certaine Mlle Dutertre ex-acteuse de l’Odéon, ainsi que de son neveu M. Pelletan. Je te conteraia cela en détail. Il n’est pas resté longtemps pourtant. Je vous aime, Toto, et je trouverais très doux de vous le prouver au lieu de vous le dire sur un papier Weynen [3], avec un soleil Weynen et une chaleur encore plus Weynen. Depuis hier je trouve qu’il fait très froid. Je n’attends pas Mme Pierceau de ce temps-là. Ainsi, mon Toto, si vous m’abandonnez, je serai seule tout à fait et sans avoir même la consolation de parler de vous à aucun être humain ou autre.
Je vous aime, je vous aime, je vous aime. Venez, venez, venez et venez. Soir Toto, soir mon petit homme, venez dormir avec moi.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16338, f. 157-158
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
a) « compterai ».