Paris, 27 sept[embre] [18]79, samedi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je vais avoir la joie de te porter des nouvelles de toute ta famille, arrivées à la minute même. Tout le monde se porte bien, tout le monde te regrette et te désire là-bas à Venise [1] et moi je t’adore ici à poste fixe.
Mariette m’affirme que tu as passé une très bonne nuit et moi je suis sûre d’avoir dormi comme une marmotte. Il faut que la tête de veau en tortue ait des vertus particulières et narcotiques pour avoir triomphé cette nuit, comme elle l’a fait, d’une insomnie carabinée qui durait depuis trois nuits. Honneur à la tête de veau ! Et gloire à Victor Hugo dans le passé, dans le présent et dans l’avenir !!! Lui qui tient éveillé tout le monde civilisé depuis un bout à l’autre de la terre, avec ses chefs d’œuvres surhumains ! Tu en trouveras la preuve tantôt si tu viens prendre la peine de lire le monceau d’admiration et d’adoration venu seulement depuis deux jours [2]. Quant à moi j’en suis grisée, éblouie et vertigineuse à force de t’aimer et de t’adorer.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 229
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette