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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 janvier [1836], dimanche matin, 10 h.

Bonjour, mon cher adoré, comment vont tes pauvres yeux ce matin ? As-tu bien dormi, t’es-tu couché de bonne heure cette nuit ? Comment va notre cher petit TOTO VICTOR HUGO ? Je vous aime mes bons petits amis. Je voudrais à force d’amour vous guérir tous les deux. Il fait bien mauvais temps ce matin, en supposant que tu puisses avoir le temps dans la journée de courir les appartements. Ce n’est pas que cela m’effraie le moins du monde, mais seulement ce n’est pas commode.
Mon cher petit bien aimé, j’ai été bien heureuse hier, tu es venu un peu plus tôt que d’habitude et tu ne sais pas toi ce que c’est qu’une heure de bonheur de plus avec toi. C’est tout un siècle d’ennui et de chagrin effacé, oublié, par une heure de toi. Je vous permets tous les bals masqués sans exceptions pourvu que vous les passiez tous dans mon lit [1]. À cette condition, vous pourrez choisir le déguisement que vous voudrez, mon beau masque. Je vous promets de me laisser très intriguer. Vous voyez que je ne suis pas très tyranne.
J’ai un très gros mal de tête que j’attribue au mauvais temps car il faut bien l’attribuer à quelque chose. Je suis sûre que si tu venais passera la journée avec moi, il n’en serait plus question au bout de deux minutes. Je l’ai déjà éprouvé bien des fois, que ta présence me guérissait. C’est que j’ai foi en toi. C’est que je t’aime, c’est que je t’adore, c’est que tu es mon amour, ma religion, mon sauveur. C’est que je ne sens que mon amour devant toi.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 27-28
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Souchon, Massin]

a) « passé ».


24 janvier [1836], dimanche soir, 8 h.

Cher petit gueulard, ne soyez pas trop longtemps à table, mangez un peu moins de pain d’épice et soyez un peu plus tôt auprès de votre pauvre Juju qui fait son pot au feu et qui le mange.
Vois-tu mon pauvre ange, je crois qu’il faut tâcher de voir [illis.] lorsqu’il ramènera Claire pour savoir une bonne fois à quoi nous en tenir sur le butin de la pauvre petite fille. Arrange-toi de façon à être avant ou après ton dîner présent au débarquement du susdit individu qui me fait plus que jamais l’illusion d’un fripon.
Sais-tu VICTOR que tu m’as fait B… de mal tout à l’heure et que si cela t’arrivait encore je te f..... une calotte (genre Léontine [2]), c’est anacréontique.
J’espère mon cher petit Toto que tu ne te laisseras [pas] tutoyer par Mme Volnys. Si cela était, je renoncerais à l’instant à cette privauté. Je ne veux pas d’un privilège partagé. Tout ou rien, voilà ma devise en amour. D’ailleurs, je serai là, je vous surveillerai d’un peu près et sans que vous vous en doutiez, prenez-y garde.
Cher petit homme, pense au Livre de Claire, ce serait trop triste de ne rien avoir à donner à cette petite après plus d’un an d’absence. Je compte sur toi pour faire oublier ma misère. Tâche de venir le plus vite possible mon adoré petit homme. J’ai bien des bons baisers à te donner sur ta belle bouche.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 29-30
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

Notes

[1Souvenir du mardi-gras 19 février 1833 où Hugo renonça à un bal costumé pour aller passer la nuit avec Juliette Drouet, trois jours après leur première nuit d’amour.

[2Léontine est le prénom de l’actrice de la Comédie-Française Mme Volnys.

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