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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 octobre [1841], vendredi soir, 8 h.

Je ne veux pas prendre sur mon amour pour donner au travail, je veux au contraire et le plus possible prendre toujours et sur toute chose pour donner à mon amour qui est ma seule occupation, ma seule préoccupationa, mon seul travail, mon seul [succès  ?], mon unique bien et le bonheur de toute ma vie. Si cela vous contrarie, j’en suis fâchée mais je n’y changerai rien, c’est à prendre ou à laisser. Baisez-moi, affreux bonhomme, baisez-moi et achetez-vous une console car celle-ci n’est pas seulement déguenillée, elle est immonde. Je vous le dis sans fard parce qu’il n’est plus possible de la tolérer de près ni de loin en conscience.
Je vous défends sur votre VIE de vous servir de votre allumette non chimique pour allumer quoi que ce soit de la plus belle moitié du genre humain. Je vous conseille avant de vous y frotter de lire une petite anecdote à ce sujet dans Le Messager d’aujourd’hui [1]. Je ne vous dis que ça, c’est un conseil que je vous donne en amie, ia ia monsire matame, il est son sarme à pamzelle Chichi.
Dites donc, mon amour, je n’ai plus que deux mois et trois jours pour être la plus emboîtée des femmes, quel bonheur !!!!
[Dessinb]
Merci Toto, merci mon cher petit Toto. Tu es bien de parole, c’est très gentil à toi, merci [2]. Quel bonheur !!! Quel bonheur !!!!!!!!!!cJe suis à la joie de mon cœur, merci mon cher petit Toto. Voilà ce que je dirai, ce que je crierai sur tous les tons le jour où ce tableau expressif sera représenté au naturel par la BOÎTE À VOLETS par vous et par moi, c’est-à-dire dans deux mois et trois jours. C’est bien long mais enfin, du moment où j’ai la certitude de l’avoir, je prends patience. C’est ce que j’ai de mieux à faire, n’est-ce pas, mon amour ? Maintenant, il faut que je me dépêche pour copier le plus possible ce soir. Ce dessin m’a pris beaucoup de temps, je ne vous le cache pas. Il est vrai que ça n’est pas du temps perdu et que la chose en vaut la peine. Je me rends cette justice à moi-même et je trouve que vous ne feriez pas mal d’ajouter quelque plâtras à la boîte à volets que je finirai par acheter son pesant d’or, pourvu que je vous fasse un second dessin comme celui-ci. À propos de plâtras, je vois avec désespoir le marchand oublier de m’envoyer l’épreuve première de votre cher petit buste. Je ne trouve pas ça très drôle et j’exige que vous m’y conduisiez au plus tard demain pour savoir un peu ce que ça veut dire [3]. En attendant, je vous somme de revenir tout de suite si vous ne voulez pas que je vous assomme. Baisez-moi, vilain monstre. Les fesses me rentrentd dans le ventre sur ces chaises-là. Oh ! aïe ! oh ! aïe ! oh ! aïe, y a pas beaucoup de plaisir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 69-70
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « préocupation ».
b) Dessin de Victor Hugo donnant la fameuse boîte à volets à Juliette :

© Bibliothèque Nationale de France


c) Les points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.
d) « rentre ».

Notes

[1Juliette parle-t-elle du Messager des Chambres, quotidien, publié de février 1828 jusqu’en 1846 ? Cela ne ressemble cependant pas aux lectures habituelles de Juliette. En revanche, on trouve dans un autre quotidien, le Journal des Débats politiques et littéraires (un des journaux les plus diffusés) du 29 octobre 1841, une histoire qui semble correspondre : un extrait du feuilleton « Marguerite », partie XIII, de Frédéric Soulié, un des grands feuilletonistes de la Monarchie de Juillet, où une femme, pour se venger de l’infidélité de son mari, menace de faire un scandale public pour le déshonorer. Comme il est d’usage à l’époque, l’ouvrage paraîtra en volume l’année suivante.

[2Juliette parle d’une petite boîte à tiroirs qu’elle réclame depuis le début de l’année, et que Hugo a promis de lui offrir pour le nouvel an. Elle la recevra finalement en avance le 19 novembre.

[3Juliette fait fondre par Ferdinand Barbedienne (industriel français connu pour sa fonderie de bronze de reproduction d’art), un buste de Hugo qu’elle recevra enfin le 29 novembre. Dans sa transcription d’une lettre de novembre 1841, Jean-Marc Hovasse émet l’hypothèse qu’« il s’agit très vraisemblablement d’un buste en bronze, lauré ou non, par David d’Angers, fondu par F. Barbedienne. Certains laurés sont datés de 1842, d’autres, sans laurier, sont sans date ».

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