14 juillet [1841], mercredi soir, 7 h. ¾
Vous pensez bien, mon amour, que pour ne vous avoir pas copié tout de suite, je n’ai pas eu la stupide patience d’attendre à demain pour vous dévorer : paysages, enfant, houris, chaises de poste, tonnerre, voyageurs, bateau poste, cimetièrea, sérénade ours, ours, ours, ours, ours, ours, le loup, la masure, la vieille femme, l’église, y … baraque en plein vent, villageois, villageoises, Égyptien, Sbrigani, philosophes de l’Antiquité, poètes, gale, chameau, Hurons, Botocudos Mittigouchlouekendalakiankb, charlatan et académicien. J’ai tout trituré, tout avalé, tout engloutic et je m’en fais mon compliment [1]. Quel homme vous êtes ! Quelle platine que votre crayon ou votre plume ! Quelle cascade de menteries, quelled effroyable avalanche de blagues, quelle consommation d’ours ! Saint-Antoine lui-même, le petit et le grand Saint-Antoine [2], pâliraient devant cette magnifique guirlande d’ours tressée pour la plus grande admiration et la plus parfaite crédulité des six mille milliards de lecteurs qui la goberont en [vous] lisant cela. Mâtin de chien, vous n’y allez pas de blague morte : quelle verve, quel entrain, quelle érudition, quelle poésie et quelle monstrueuse CACOPHONIE. C’est affaire à vous, mon CHER AMI, et je suis votre très humble et très admiratrice Juju à pied, à cheval, en bateau, sur la terre et sur l’onde, sur les canaux et les grandes routes, dans les villages et dans les ruines, partout, partout où vous voyagez et où j’ai le bonheur de vous suivre. Selon les pays vous blaguez, selon, selon les pays vous blaguez et moi infortunée triste à patte, je vous admire et vous VÉNÈRE [3].
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 49-50
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « cimetierre ».
b) Ce mot est employé dans le texte de Hugo, et Juliette a du mal à le retranscrire exactement.
c) « engloutit ».
d) « quel ».