17 mai [1841], lundi midi
Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon amour chéri. Bonjour vieux taquin de Picardet [1], bonjour. Vous êtes laid MAIS gracieux, ia ia minsire matame, il est MON sarme. En attendant, je profite de ce que vous n’êtes pas chez moi pour faire nettoyera les persiennes, les carreaux, faire mettre de l’[ancottie [2]] et faire frotter. QUEL CRIME n’est-ce pas ?
À propos de crime je me suis permisb de ne pas écrire à M. Triger pour le décommander, attendu que vendredi c’est ma fête [3] et qu’il est inutile de s’occuper de purgonnage [4] ce jour-là [5]. Vous me direz un autre jour et je vous obéirai, en attendant je me permets de ne pas exécuter vos ordres. Ia, ia monsire, baisez-moi Picardet, baisez-moi M. URSULE [6]. Vous êtes laid mais gracieux et séduisant. Ia, ia, ia, ia, ia, ia, baisez-moi, je suis très contente d’avoir enfin trouvé votre talon d’Achille. Quel bonheur !!! Vous êtes laid mais gracieux, vous êtes atroce mais séduisant, vous êtes un monstre mais je vous adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 155-156
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « nétoyer ».
b) « permise ».
17 mai [1841], lundi soir, 8 h. ½
Mon bien-aimé, mon bien-aimé, mon cœur se fond en joie et en adoration en pensant à ta bonté et à ta douceur ineffable. Tu n’es pas un homme toi, tu es un ange du bon Dieu, peut-être le bon Dieu lui-même. Mon Victor, mon sublime bien-aimé, mon âme, je t’aime, je baise tes adorables petits pieds. Je suis encore trop noire et trop poudreuse pour oser élever mes prétentions plus haut.
Je viens seulement de finir de poser les rideaux de ma chambre encore d’une manière telle quellea, sauf à les revoir demain [7]. Quant à ceux de la salle à manger, ils ne sont pas posés du tout et mon linge n’est pas resserré et ne le sera que demain aussi car je n’ai plus la force de rien faire. Je vais me décrasser un peu afin que tu saches où poser les lèvres ce soir quand tu viendras. Mon amour, mon Toto, ma vie, ma joie, ne tarde pas trop longtemps. Si tu savais comment je t’aime et combien tu m’es nécessaire, tu n’aurais pas le courage de me quitter jamais.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16365, f. 157-158
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « qulle ».