31 mars [1841], mercredi, midi ¼
Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour, comment vas-tu ce matin ? Pourquoi n’es-tu pas venu te faire soigner à la maison [1] et te reposer auprès de ta pauvre Juju ? Vous mériteriez que je vous fiche des giffes quand je vous aurai en mon pouvoir, ce qui ne sera pas très prochainement si j’en juge d’après les autres jours où vous ne venez jamais que le plus tard possible. Oh ! c’est très gentil et je vous conseille de rire, affreux Fouilloux [2] que vous êtes.
À propos, dites-moi donc quand vous vous décidez à avoir 39 ans [3] ? Est-ce au mois de mars ou au mois d’avril ? Est-ce le 26 ou le 31 du mois ? Enfin, je voudrais être fixéea à ce sujet et vous m’obligeriez beaucoup de me le dire. Je sais bien qu’il y a une rectification qui remet le jour de votre naissance au 25 mars mais comme vous ne vous faites pas faute de changer de date et d’âge [4], je vous prie de me le dire et de me l’écrire même car je ne veux pas perdre une seule occasion d’avoir de votre chère petite écriture, ne fût-ceb que pour un mot [5]. Je ne sais pas ce qui est cause que j’ai oublié le 25 et le 26 de te parler de cet anniversaire ; ce n’est cependant pas faute de penser à toi et de t’aimer de toute mon âme. Jour Toto, jour mon cher petit bien-aimé. J’espère que tu ne souffres plus.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 301-302
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « fixe ».
b) « fusse ».
31 mars [1841], mercredi soir, 7 h. ½
Décidément, mon cher bijou d’homme, vous passez à l’état diaphane. Sérieusement, je vous conseille de retourner sur vos pas et de remplir au plus vite votre cher petit bedon et les affreux vides de votre pantalon. Je vous parle en amie et comme tout à fait désintéresséea dans la question. Je vous le dis, en vérité vous dépérissez à vue d’œil. Jour Toto, jour mon Toto, jour mon cher petito. Il faudra ce soir que vous me donniez votre anniversaire ou la mort. Je n’entends pas déroger aux bonnes habitudes, il me faut votre petit gribouillis sur mon livre rouge, je le veux je le veux, entendez-vous. Je vous pardonne toutes les impertinences que votre jeunesse et votre beauté m’attirentb à cette seule condition. Baisez-moi toujours et aimez-moi, scélérat.
Il faut que vous ayez le diable au corps pour vous promener par cet affreux temps de pluie, de grêle et de vent. Il n’y a que vous pour faire ce commerce-là. Tâchez toujours de ne pas vous enrhumer ou je vous fiche des claques. Tâchez aussi de venir très tôt me faire enrager et soyez-moi très fidèle de corps, de cœur et de pensée comme je vous en donne moi-même l’exemple.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 303-304
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « désinterressée ».
b) « m’attire ».