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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 3 juillet [18]63, vendredi après-midi, 3 h. ½

Je suis prête, mon cher bien-aimé, j’ai reçu ma visite qui sera la tienne aussi ce soir, et ce sont de braves gens, la femme, que nous connaissons déjà, très aimable et très expansive ; le mari, tout à fait anglais mais très enthousiaste des Misérables [1]. Il dit que l’homme qui a fait ce livre est un grand saint quelle quea soit la religion à laquelle il appartienne. Cela m’est dit par sa femme qui, au fur et à mesure qu’il parlait, traduisait en français. Du reste ils nous offrent une chambre dans le cas où nous irions dans la partie de l’Angleterre qu’ils habitent. Il est impossible d’être plus sympathiquement anglais que ce vieux jeune couple. Ils désirent voir le dîner des enfants [2] jeudi prochain pour pouvoir en parler à leur retour chez eux avec connaissance de cause. Je leur ai dit que les portes étaient toujours ouvertes et qu’ils n’avaient pas besoin de permission pour entrer. Ils ne sont restés que dix minutes environ mais assez longtemps pour que la femme ait eu le temps de m’appeler Mme LA COMTESSE une douzaine de fois sans que j’aie pu trouver le joint de la désabuser de cette NOBILITY dont elle m’affublait je ne sais pourquoi car j’ai protesté souvent avec sa sœur contre cette qualification imméritée. La seule à laquelle je tienne est celle de ton chien fidèle, le reste ne vaut pas l’honneur d’être [nommée  ?] et puis je t’adore. Attrapéb.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 175
Transcription de Gérard Pouchain

a) « quelque ».
b) « attrappé ».


Guernesey, 3 juillet [18]63, vendredia soir [7 h. ?] ½

Jouis en paix, mon doux adoré, de la surprise charmante que t’a faite la providence ce soir en t’envoyant les deux êtres chers et adorables entre tous dont l’absence faisait un si grand vide dans ton cœur et dans ta maison [3]. Sois heureux, mon pauvre éprouvé, et que toute ton âme soit en fête et en espérance d’un bonheur encore plus complet d’ici à quelques semaines. J’aurais voulu t’épargner l’ennui d’une visite d’inconnus indifférents ce soir et j’étais allée tout de suite chez mes voisins pour leur dire de ne pas aller chez toi mais ils étaient déjà sortis et ne devaient revenir qu’après leur visite chez toi. Je le regrette pour toi et pour eux car les pauvres gens seront tombés sur votre dîner un peu comme des cheveux sur la soupe mais il n’y aura eu de la faute de personne. Voilà la compensation. Justement, les voici qui reviennent, à ce que me dit Suzanne, je crains qu’on ne les ait pas reçusb ou que l’accueil ait été plus que tiède. Le malheur n’est pas bien grand, surtout si cela n’a pas interrompu votre causerie intime et vos épanchements de cœur. Je n’ose pas espérer te voir ce soir mais je me permets de le désirer fortement. Je t’attends, toute âme dehors, mon bien-aimé, je te bénis avec ce que j’ai de meilleur dans le cœur. Je t’adore à deux genoux et je souris à tous ceux que tu aimes. Ta bonne vieille Juju.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 176
Transcription de Gérard Pouchain

a) « jeudi ».
b) « reçu ».

Notes

[1À identifier.

[2Carnet de Victor Hugo (5 mars 1862) : « J’ai pris avec Marie Sixty des arrangements pour réaliser mon idée de repas des enfants pauvres. Toutes les semaines, douze enfants pauvres dîneront chez moi. Le repas sera le même que le nôtre. Nous les servirons. Ils diront en se mettant à table “Dieu soyez béni”, et en se levant : “Dieu, soyez remercié.” Le premier repas aura lieu lundi. »

[3Carnet de Victor Hugo (2 juillet) : « À 6 h. en rentrant pour dîner j’ai trouvé ma femme et mon fils Charles arrivés. »

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