Guernesey, 6 juillet [18]67, samedi matin, 6 h.
Bonjour, dormez ; bonjour, je t’aime. Voilà mon oraison dominicale, n’en déplaise à votre orthodoxie. Dors, mon cher adoré, et ne te réveille que lorsque tu seras tout à fait reposé. Moi je suis levée depuis une demi-heure mais j’ai attendu à cause de Suzanne que six heures fût sonné pour ouvrir ma porte. Je lui ai parlé hier au soir de ton projet de l’emmener. Elle en paraît satisfaite mais elle trouve comme moi qu’il n’y a pas une minute à perdre pour arranger la maison d’ici au départ, c’est-à-dire dix ou douze jours au plus. Il faudra même, de toute nécessité, que les deux ou trois derniers jours, tu nous permettesa de dîner chez toi à cause des ustensiles de cuisine qui doivent être récurés et préparés d’une certaine façon pour ne pas se rouiller ou se vert-de-griserb pendant notre absence. Tous ces détails de ménage ne sont rien moins que pratiques mais il faut en tenir compte sous peine de ruine complète. C’est pour cela que je t’en parle au risque de t’ennuyer beaucoup. Mais ce n’est pas de ma faute car mon bonheur c’est de t’adorer à l’exclusion de tout.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 179
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tu nous permette ».
b) « se verdegriser ».