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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 mai 1862

Guernesey, 20 mai 1862, mardi matin, 7 h.

Bonjour, mon bonheur rayonnant, bonjour, la fête radieuse de tous mes jours ; bonjour, mon amour sublime ; bonjour, le grand Vous ; bonjour, mon cher petit Toi ; bonjour, je t’adore. Si tu as bien dormi et si tu te portes bien ce matin, je suis au comble de mes vœux et j’attends ma chère petite lettre cœur et âme dehors.
Je n’ai pas encore lu les articles de Kesler qui m’intéressent comme tout ce qui se rapporte à toi. Je vais les lire avec toute l’attention dont je suis capable pour lui en faire compliment ce soir. J’espère que tu recevras aujourd’hui la suite des bonnes nouvelles des Misérables car la [procession  ?] [illis.] n’est pas près de finir et avant que tous les enthousiasmes, tous les enivrements, toutes les sympathies et toutes les admirations aient passé sous tes yeux, le Packet fera encore bien des allées et venues dans la rade de Guernesey. Quant à moi, j’ai le bonheur INQUALIFIABLE de t’aimer à poste fixe et de pouvoir remplir incessamment mes yeux, mon cœur, mon âme de toi, de t’adorer, en chair, en os et en génie et de te baiser partout et ailleurs comme un cher petit homme.

BNF, Mss, NAF 16383, f. 128
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa


Guernesey, 20 mai 1862, mardi midi

Merci, mon grand bien-aimé, merci, de faire de moi la chair de ta chair et l’âme de ton âme. Merci d’associer l’humble souvenir de moi à la plus glorieuse date de ta vie, aux Misérables ! J’ai le cœur gonflé d’amour et de reconnaissance jusqu’à rompre. Mes yeux sont remplis de larmes, de tendresse. Tout mon être vibre d’émotion comme si quelque chose de divin venait de pénétrer en moi et de s’y fixer à jamais. Ce quelque chose, ce rayon, ce parfum, cette musique et cette joie, ce bonheur, c’est ta chère petite lettre que je vois, que je touche, que je lis, que je baise, que j’adore [1]. Je suis si heureuse de te sentir délivré, au moins relativement, de cette œuvre titanesque que ton génie portait à cerveau tendu depuis si longtemps que je voudrais pouvoir crier ma joie aux quatre points de la terre et du ciel. Quel bonheur ! Quel bonheur !! Quel bonheur !!! Quel bonheur !!!! Je baise tes chers petits pieds encore tous poudreux de ton voyage à travers l’humanité et je mets la main sur mes yeux pour ne pas voir de trop près ton nimbe divin. Je te baise à genoux.

BNF, Mss, NAF 16383, f. 129
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa
[Souchon, Massin, Blewer]

Notes

[1« Ta fête c’est ma fête. Elle coïncide avec ma délivrance de ce livre. Demain, j’envoie la fin du manuscrit. Demain je suis libre. Je sors des Misérables. C’est là ton bouquet. O mon doux ange bien aimé, la lumière me vient de toi. Je sens mon âme comme un rayon de la tienne. Tu vois à quel point ta destinée est mêlée à ma destinée. Je fais une œuvre ; ta fête en marque l’éclosion. Tu es pour moi un être suprême et charmant. À demain. Voici la nuit. Je t’aime. Je pense à toi. Je vais m’endormir dans ta lumière. » (Lettre éditée par Jean Gaudon, ouvrage cité, p. 232.)

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