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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 février 1855

Jersey, 27 février 1855, mardi soir, 5 h.

Je viens de lire ce qu’on a le front d’appeler : DISCOURS de V. H. [1] mais je ne serai pasa assez stupide pour essayer de formuler mon admiration car ce serait tenter d’accrocher des girandoles de bouchons de carafe à l’anneau de Saturne ou de mettre des boucles d’oreilles en strass à la grande ourse. Je résume toutes les épithètes admiratives par ce seul mot : je suis FOUDROYÉE ! Maintenant Dieu sait ce qui restera de moi après cette combustion spontanée. J’espère pourtant qu’il vous suffira de remuer un peu la cendre de mon esprit pour y trouver mon amour plus ardent et plus incandescent que jamais. C’est bête comme tout ce que je vous dis là [2]. Mais il n’est pas donné aux Juju de tenir tête aux comètes et d’échanger des éblouissements avec Jupiter. Tout mon cœur et toute mon âme jaillissant en étincelles électriques au contact de votre divin génie ne pourraient pas faire une seule pauvre petite étoile gravitant sous vos pieds. Aussi je me tais par prudence.
Je suis jalouse de l’honneur que vous faites à ce banquet féminin en le photographiant pour l’immortaliser. Quant à moi, j’ai beau semer mes baisers sur vos pas, vous ne daignez plus vous retourner pour les voir tomber. Hélas ! où est le temps où vous les embaumiez de votre haleine ?
Cher adoré, pardonnez-moi ce petit sentiment d’envie, contre ce coquet hommage collectif de femmes. La manière de me guérir de ce léger accès de jalousie serait de me donner à moi aussi une épreuve de ce PORTRAIT. En attendant, je cueille toutes mes plus suaves et mes plus vives tendresses dont je fais litière pour tes chers petits pieds. Et puis je te baisse d’un pôle à l’autre sans me préoccuper des diverses latitudes que J’EMBRASSE dans un seul baiser.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16 376, f. 90-91
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
[Blewer]

Notes

[1À l’occasion de l’anniversaire de la Révolution de 1848, Hugo prononce un discours (Actes et paroles II, Laffont, « Bouquins », 1985, p. 483-492).

[2Juliette paraphrase don César, qui, dans Ruy Blas, dit au laquais : « C’est bête comme tout ce que je te dis là. » (Acte IV, scène 3.)

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