12 avril 1862

Guernesey, 12 avril 1862, samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon pauvre adoré souffrant, bonjour comment te trouves-tu ce matin ? J’aurais déjà envoyé Suzanne le demander à Rosalie si je n’espérais pas que tu dors encore et d’un bon et réparateur sommeil qu’il faut bien se garder de troubler. Mais, mon pauvre doux adoré, j’ai hâte de savoir comment tout s’est passé hier au soir avec ton bain de pied et ton sinapisme^a. Ta chambre n’est pas très commode pour cela mais j’espère que le zèle de Rosalie y aura suppléé et qu’elle aura eu bien soin de te tenir des serviettes chaudes pour t’essuyer les pieds et des flanelles pour les envelopper après. Mon pauvre bien-aimé, j’ai suivi de la pensée toutes les phases de ce petit traitement avec la plus tendre sollicitude en regrettant amèrement de ne pouvoir pas te donner moi-même tous les petits soins dont tu as tant besoin surtout à ce moment effrayant de ton travail. Je crains, mon pauvre adoré, que cette douleur au côté ne soit produite par un excès de fatigue. Il te faudrait un jour de repos au moins mais où le prendre ? Je sais que ce serait presque impossible dans l’état ordinaire de ta robuste santé, mais du moment où tu souffres il ne faut pas hésiter à arrêter ton travail, ne fût-ce que quelques heures. Je crois qu’il n’en faut pas davantage pour enrayer et pour guérir cette petite indisposition produite par la fatigue. Cher adoré, si je pouvais te faire du loisir avec mon sang, ma vie, mon âme, avec quelle ardeur je m’y dévouerais mais je ne puis malheureusement que t’aimer, t’aimer et t’aimer sans autre résultat.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 91
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « cinapisme ».