Guernesey, 3 mars 1861, dimanche matin, 8 h ½
Bonjour, mon ineffable bien aimé, bonjour mon cher petit homme béni, bonjour. Comment vas-tu ce matin, mon cher petit homme ? As-tu passé une bonne nuit ? Je crains que la tempête ne t’ait empêché de dormir. Chaque fois que je me réveillais, c’est-à-dire d’heure en heure, j’y pensais avec tristesse, me disant qu’une nouvelle mauvaise nuit, si près d’autres mauvaises, pouvait te faire beaucoup de mal. Je ne me sens pas tranquillisée depuis et je ne saurais l’être tant que je ne t’aurai pas vu et que je ne me serai pas assurée par moi-même que tu vas bien et que tu es content.
À propos de content, mon cher adoré, je te prie de ne pas me compter dans les diverses combinaisons que tu feras et referas avec ton Charles pour le voyage. Je souscris d’avance à tout. Pour moi, le seul agrément de ce voyage sera le rétablissement de ta santé. Je n’en ai pas besoin d’autre et je n’en veux pas avoir d’autres ou plutôt je n’en peux avoir d’autre car celui-là suffit à mon bonheur tout entier. Que je l’aie et je suis heureuse et tout me sera un enchantement. Ainsi, mon adoré, quoi que tu fasses pour arriver le plus promptement à ce but, si ardemment désiré par moi, ta santé, j’y souscris d’avance avec joie et reconnaissance.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 61
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette