19 janvier 1855

Jersey, 19 janvier 1855, mercredi soir, 4 h. ¾

Il ne fait plus assez de jour pour copire vos adorables vers, mon cher petit homme, mais il fait assez clair dans mon cœur pour que j’y prenne ma restitus quotidienne. Aussi, malgré l’onglée et la nuit qui me pincent à cette charmante besogne, je ne reculerai pas d’une patte de mouche quelle ne soit, la RESTITUS, entièrement bâclée de mon amour. Telle est ma ténacité native et proverbiale. Du reste, mon pauvre petit bien-aimé, je te trouve bien absurde d’aller te geler dehors quand tu pourrais travailler ici devant un bon feu. Après cela, je sais que tu as besoin de marcher en travaillant. Justement te voilà. Ma foi c’est le cas de finir par la phrase sacramentelle et officielle : interrompue^a par le……………………^b Toto.

Juliette

Vous vous passeriez très bien du reste de la dépêche calligraphique, probablement, mais moi je tiens à produire toutes mes nouvelles IN EXTENSO oh ! oh ! oh ! Je comprends votre pétrification devant ce prodige de la chimie érudicale de votre servante Juju. Aussi je vous ménage pour ne pas vous étrangler en une seule fois par ce luxe de latin AD HOMINEM. Je m’en tiens au pis à lait du style François ce qui vous permet de sous-rire au nez comme un malhonnête que vous êtes. Du reste, je vous le permets pourvu que vous ne me fassiez pas faux bond^c vendredi prochain. Re-réinterrompue^d par le Toto^e.

Juju

BnF, Mss, NAF 16376, f. 38-39
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa.

a) « interrompu »
b) Les 22 points courent sur toute la ligne qui se termine par « Toto ».
c) « bon ».
d) « re-imterrompue ».
e) La lettre est interrompue en haut de la quatrième page.