1er avril 1882, samedi matin, 9 h.
Cher bien-aimé, je te donne mon bonjour le plus tendre et le plus souriant et par la plus aimable matinée de printemps qu’ila soit possible de voir. Vraiment rien n’est plus charmant que tout ce vert et toutes ces gaîtés du renouveau. Quel dommage que mes jambes se refusent à prendre la clef des champs comme autrefois ; avec quelle ardeur je t’entraînerais par monts et par vaux pour le plaisir des yeux et pour ceux du cœur. Mais le bon vieux temps ne permet pas ce genre de vagabondage à ceux qu’il fait vieux, et c’est pourquoi il nous faut rester à domicile, côte à côte, en regardant les feuilles pousser par la fenêtre entr’ouverte. C’est encore du bonheur quand on s’aime comme nous nous aimons. Aussi, loin de me plaindre de mon sort, je le bénis et je prie Dieu de t’inspirer la même reconnaissance et la même résignation qu’à moi.
Je crois devoir t’avertir que la séance publique du Sénat aujourd’hui ab lieu à 1 heure. J’ai chargé Virginie de te le dire en attendant que j’entre dans ta chambre. Cela fait, je t’adore exclusivement.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 42
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « qui ».
b) « à ».