Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1863 > Mai > 21

21 mai 1863

Guernesey, 21 mai [18]63, jeudi matin, 7 h.

J’ai ta chère petite lettre, je t’ai vu, j’espère que tu te portes bien et que tu as passé une bonne nuit, mon bonheur est complet et ma FÊTE est à son comble. Merci, mon adoré, merci de me vouloir avec toi à présent et toujours, dans cette vie et dans l’autre. Merci de me le dire avec des paroles si tendres, si pieuses et si adorables. Merci de ton beau cadeau d’hier, rien ne pouvait me faire plus de plaisir que ce cher petit sac noir qui a enfermé pendant près de dix mois la sublime lumière de l’esprit du monde entier [1]. Avec quel orgueil je garde cette précieuse relique que tes enfants retrouveront, comme le reste, après moi. En attendant, je jouis de tous ces trésors dont mon cœur est de plus en plus avare. Je t’aime, en prodigue, de tous les amours à la fois. Ma poule continue, elle aussi, de couver ses amours, déjà trois petits poussins ont montré leur petite tête à Suzanne mais il en reste encore neuf dans la coquille. Je crains bien qu’ils n’y restent tout à fait car ordinairement ces éclosions se font toutes ensemble. Enfin, quoi qu’ilb arrive, la pauvre poule n’aura pas tout à fait perdu son temps et son dévouement et quant à moi, je me déclare dès à présent satisfaite. Il est vrai que j’ai pour cela d’autres bonnes raisons que je ne troquerais pas contre toutes les couvées du monde, pas même celles qui se font en paradis. Du reste les pauvres petits n’auront pas très chaud aujourd’hui car le temps est bien froid. Je crains même qu’il ne pleuve tout à l’heure et que nous ne puissions pas sortir tantôt. Mais dehors ou dedans, pourvu que je sois avec toi, mon doux bien-aimé, le soleil est dans mon âme et je suis la plus heureuse des femmes.

BnF, Mss, NAF, 16384, f. 132
Transcription de Chantal Brière

a) « quoiqu’il ».


Guernesey, 21 mai [18]63, jeudi après-midi, 4 h. ½

Mon [amour ?] s’autorise de ta chère petite lettre adorable pour te gribouiller deux fois en un jour. Pardonne-le-lui, ÇA N’EST PAS TOUS LES JOURS FÊTES. Je m’étais arrangée pour être prête à sortir de bonne heure avec toi, mais, comme toujours, cela ne m’a pas réussi. Je me venge en entassant gribouillis sur gribouillis mais j’aimerais mieux L’HONNEUR DE VOTRE PRÉSENCE à ma rédaction quelque distinguée qu’elle soit et je sais que cela ne vous étonne pas. En attendant je file un affreux mal de tête, qui ne demande même pas à paître, et [ne ?] [illis.] ma poule qui n’en esta encore qu’à son [quatrième ?] poussin. Je ne veux pas déranger l’autre mère-poule, Suzanne, mais je crois bien que la couvée se bornera à ce QUATRAIN. Heureusement que je ne concours pas pour le prix RÉGIONAL des poulaillers ce qui me laisse une sérénité profonde de ce côté-là. Il n’en esta pas de même pour votre [inexactitude ?] et pour votre absence, j’y suis toujours aussi sensible que le premier jour témoin ce que j’éprouve en ce moment où j’essaie de rire pour ne pas pleurer la larme que je retiens avec peine dans le [coin ?] de mon œil. Cependant je ne t’en veux pas, mon pauvre doux et généreux homme, car je sais trop combien tu [travailles ?] jour et nuit. Je t’aime, [je te désire ?], je t’attends, je t’adore et voilà tout.

BnF, Mss, NAF, 16384, f. 133
Transcription de Chantal Brière

a) « n’est ».

Notes

[1Pour sa fête, Hugo a offert à Juliette le sac qui a contenu le manuscrit des Misérables pendant le voyage de 1861 en Belgique et aux Pays-Bas.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne