6 mars [1849], mardi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon petit Toto, bonjour, toi que j’aime trop, bonjour, demandez-moi pardon de tout ce que vous m’avez dit de vilain hier et je vous donnerai des mouchoirs sans augmentation de prix sinon vous vous moucherez dans les feuilles de vigne à moins que vous ne préfériez le mouchoir prolétaire et démocratique du citoyen Pierre Leroux, lequel se mouche dans ses doigts, comme un simple homme et un grand socialiste qu’il est. Dites donc vous, je vous conseille de faire l’aristo et de défendre vos chameaux et vos dromadaires armoriés et caparaçonnés comme ceux de la Caravanea, opéra en cinq actes et en versSE [1]. Merci, si c’est ça que vous appelez des jolies femmes, il faut convenir que vous n’êtes pas difficile. Quant à moi, je les trouve hideuses, même pour des pauvres, et si j’étais homme je n’en voudrais pas pour rien. Il est vrai que je ne suis pas homme et que j’ai la coquetterie de n’être pas duchesse, je me contente d’être une ex Juju de la veille toute prête à tuer son Toto du lendemain. C’est comme cela que je comprends la république et que j’apprécie les beautés réac et mal fichues du Faubourg Saint-Germain.
Juliette
MVHP, MS a8156
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine
a) « Caravanne ».
6 mars [1849], mardi soir, 8 h. ¼
Mon cher bien aimé, les douleurs, c’est-à-dire les élancements m’ont repris de plus belle, il m’est impossible de rester les pieds plus longtemps dans l’eau [2]. Il est évident que ce qui t’a fait du bien m’est contraire. Dans ce moment, le dessus des pieds et le bas des jambes me sont très douloureux et je sens mon dîner qui me pèse. Je suis très mal à mon aise. Je vais me coucher en toute hâte et selon comme je me sentirai, je mettrai des cataplasmes. Pour le moment, il faut que je sorte mes pieds de l’eau. Je ne t’en écris pas davantage parce que je crois que ce serait imprudent. Je suis prèsa de suffoquer.
MVHP, MS a8157
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine
a) « prête ».