Guernesey, 28 décembre 1858, mardi matin, 9 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour et que tout soit pour toi à souhait aujourd’hui. Quant à moi, je ne sais pas ce que sera la journée mais je viens de passer une nuit enragée. Il est temps que la drogue du bon docteur vienne mettre ordre à tout ce désordre car je finirais par n’être plus possible à moi-même ni de nuit ni de jour. En attendant, je compte sur ma chère distraction pour me redonner du cœur au ventre. Tu ne te douterais pas que je parle avec ce sans façon du travail le plus attachant, le plus doux, le plus vénérable, le plus sérieux et le plus amusant : te COPIRE. Mais c’est que pour moi, ce n’est pas un travail ; c’est l’exercice le plus salutaire et le plus agréable, le plus fortifiant et le plus sain qui soit au monde. Aussi, je suis sûre que dès que je m’y mettrai tantôt je ne sentirai plus aucun de mes maux, mais rien que le plaisir d’admirer toute ta sublime et adorable poésie. Aussi, je vais M’EPECHER, M’EPECHER, M’EPECHER d’y arriver le plus tôt possible. J’espère que tu as passé une bonne nuit, mon cher petit homme et que je te verrai tout à l’heure. Jusque-là, je te baise de l’âme.
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 361
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette