Vendredi soir, 7 h. ½
Tu n’es pas venu et je ne te verrai peut-être pas ce soir. Joins à cela le souvenir de ta tristesse tantôt, l’incertitude de notre départ [1] et tu auras la mesure du chagrin et de l’ennuia que j’éprouve en ce moment. J’ai préparé mes affaires dans tous les cas. J’ai travaillé depuis que tu m’as quittéeb jusqu’à présent sans respirer. J’ai fait nos comptes. La balance a fournic de 1 franc 17 [sol ?] deniers à notre avantage. Je ne sais pas comment, mais cela est.
Mme Guérard était venue à la maison pendant que la bonne était chez elle, mais cela n’a rien fait. Sa bonne à elle a donnéd un reçu des 25 francs. Lanvin est venu aussi. Il a laissé le livre chez le commissaire, et enfin pour finir, la donneuse de domestique est venue. Je lui ai expliqué de nouveau mon affaire. Enfin, mon petit Toto, si je suis triste et découragée, ce n’est pas par désœuvrement mais bien parce que je ne t’ai pas vu et parce que je crains que cette séparation te soit plus pénible que la précédente. Tu penses si je dois être affligée et inquiète de ce changement d’une année à l’autre. Moi aussi je suis changée depuis un an [2] : je t’aime plus.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16322, f. 249-250
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « ennuie ».
b) « quitté ».
c) « fournit ».
d) « donnée ».