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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1834 > BnF, Mss, NAF 16322, f. 204-205

Samedi, 10 h. du soir
Sept[embre] [18]34a
[Après le 6 juillet 1834]b

« Car il avait de mauvaises
habitudes d’éducation qui
dérangeaient sa dignité
naturelle plus souvent qu’il
n’aurait fallu. »
Claude Gueux, V. H. [1]

Moi aussi, j’ai de mauvaises habitudes d’éducation qui dérangent ma dignité naturelle plus souvent qu’il ne faudrait. C’est que, moi aussi, j’ai à me plaindre du sort et de la société. Du sort parce qu’il m’a jeté dans une condition au-dessous de mon intelligence, de la société qui me retranche chaque jour de la portion d’amour et de bonheur que tu partages si généreusement avec moi, mon Albin [2] bien-aimé. Oh ! je t’aime plus encore depuis que j’ai été ingrate envers toi. Oh ! je t’estime et je te respecte plus encore depuis que j’ai été injuste et coupable envers toi. Pardonne-moi.
« N’est-ce pas, l’amour rend bien méchant ? » Marie Tudor V. H. [3]
Mon bien-aimé, mon Victor, ne m’abandonne pas. Aime-moi. Si je meurs avant le terme, je veux qu’on te porte mon cœur, comme le pauvre Claude fit à Albin de son dernier morceau de pain, le dernier jour de sa vie [4]. Moi, je veux qu’on te porte mon cœur que tu dois posséder au-delà même de ma vie.
Aime-moi, pardonne-moi, fais de moi ce que tu voudras. Je t’aime.
Ici ma vie / Là mes baisersc
Partout mon amour

Juliette

[Adresse]
À toi mon bien-aimé

BnF, Mss, NAF 16322, f. 204-205
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Blewer]

a) Date rajoutée sur le manuscrit d’une main différente de celle de Juliette.
b) Date indiquée par Evelyn Blewer.
c) Ces deux phrases sont chacune entourées :

© Bibliothèque Nationale de France

Notes

[1Claude Gueux parut dans la Revue de Paris le 6 juillet 1834 (EB, p. 28).

[2Albin est le meilleur ami de Claude Gueux en prison.Voyant ce dernier affamé, Albin, frêle jeune homme, lui propose de partager sa ration de pain. Ainsi, chaque jour, Albin donne la moitié de sa ration de pain à Claude Gueux, tel Victor Hugo qui fait vivre Juliette en subvenant à ses besoins vitaux.

[3Marie Tudor, réplique de Gilbert, acte I, scène 3 : « Pardon, Jane. N’est-ce pas, l’amour rend bien méchant ? »

[4Comme le souligne Juliette, Claude Gueux fait porter sa ration de pain à Albin le jour de son exécution : « Il pria le geôlier de faire porter de sa part ces ciseaux à Albin. Il dit aussi qu’il désirait qu’on ajoutât à ce legs la ration de pain qu’il aurait dû manger ce jour-là. » (CFL, tome V, p. 250).

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