21 septembre [1844], samedi, midi ½
Nous sommes sous les armes, mon cher bien-aimé, depuis midi. Hélas ! par le temps d’articles de journaux qui courta, peut-être Le Siècle a-t-il lâché le sien, ce qui t’empêcherait, probablement, de donner signe de vie au crabouille rédacteur en chef M. de Chambolle ? Comme il faut, nécessairement, que quelque chose d’ennuyeuxb vienne se jeter à travers toutes les joies attendues de ma pauvre vie, il est plus que sûr qu’il sera survenu quelque chose, je ne sais pas quoi, qui t’empêche de donner suite au projet d’aujourd’hui. Pauvre ange, je ne t’en veux pas, Dieu le sait, mais je voudrais ne pas attendre indéfiniment un plaisir qui ne viendra pas et me donner la médiocre compensation de me déshabiller et de désemprisonner mon pauvre pied malade.
En attendant, je t’aime plus que jamais, tu es mon bien-aimé adoré, que je baise et que j’adore. J’ai été encore bien aimable cette nuit avec cette envie de dormir invincible qui s’était emparée de moi. Il y a une certaine époque pour cela et j’y touche à présent. Ça n’en est pas plus drôle mais cela t’explique ce stupide phénomène. J’espère pourtant que ce soir je ne serai pas comme hier. Je me le défends. Tout à l’heure je vais faire faire la dictée à Claire, ce sera une récréation mirobolante et la seule qu’elle ait euec en trois semaines de vacances qu’elle a passées ici. Enfin, elle n’est pas ma fille pour s’amuser. Taisez-vous Toto, laissez-moi grogner, vous voyez bien que j’en ai trop le droit. Baisez-moi, aimez-moi et taisez-vous, je vous l’ordonne. Il ne faut pas que le COQ chante devant la poule [1]. Taisez-vous, taisez-vous.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16356, f. 173-174
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « courre ».
b) « ennuieux ».
c) « eu ».