25 juin [1837], dimanche matin, 9 h. ¾
Bonjour, cher petit homme. Vous êtes joliment venu comme à votre ordinaire. Oh ! vous êtes un fameux amoureux encore, vous ! Il est vrai que je ne vous aime pas pour ces vains avantages [1]. Je vous aime précisément à cause du CONTRAIRE. C’est bon et généreux de ma part et je M’APPLAUDIS. Pauvre petit chéri, je ris du bout des lèvres, car je pense que tu as travaillé toute la nuit pour moi. C’est bien triste pour moi que de ne pouvoir pas t’en empêcher. Je ne veux pas te répéter toujours les mêmes paroles, quoiqu’elles expriment toujours le même chagrin, dans la crainte que tu ne croies pas à leur sincérité comme tu l’as déjà fait une fois. Et j’aime mieux que tu me supposes sans cœur que de me croire hypocrite. Je t’aime mon Victor, je t’aime. J’ai la certitude qu’aucune femme au monde ne t’aimerait autant que moi. Je t’aime. C’est donc demain que paraîtra ce beau volume [2]. Certes, si quelqu’un l’attend avec impatience, c’est bien moi, qui me suis passée d’air, de bonheur et d’amour tout le temps que vous l’avez fait. S’il est aussi beau qu’il m’a fait de mal, il doit être merveilleux. Jour mon petit o, jour mon gros to. Malgré toutes mes précautions pour ne pas ouvrir mes yeux [3], je n’ai pas pu me rendormir que longtemps après que tu as été parti. Je ne m’en plains pas. J’ai pensé à vous et je vous ai aimé.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16330, f. 335-336
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein