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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mai 1837

23a mai [1837], mardi matin, 11 h. 

Il y a déjà une heure que je vous aurais baisé sur le papier, mon cher bien-aimé, si j’en avais eu. Mais la bonne qui n’avait pas été prévenue hier, est allée reconduire Claire sansb m’en acheter.
Comment vas-tu cher petit homme adoré ? Bien n’est-ce pas ? Car ce serait bien affreux si ton courage et ton dévouement étaient payésc par une maladie, ce dont je tremble au fond du cœur.
J’ai pensé à toi une bonne partie de la nuit car j’ai fort peu dormi et dans mon sommeil j’étais encore plus heureuse puisque j’étais avec toi en personne. Si j’étais sûre du jour où le Védel viendra, je me tiendrais sous les armes [1], mon négligé habituel n’étant pas fort avantageux pour une jeune première qui veut avoir les prétentions de GRANDE COQUETTE. Jour mon petit o. Il faut bien avoir de temps en temps le petit mot pour rire afin de ne pas tomber dans le lugubre. Et puis si tu viens assez tôt nous irons changerd le schall [2] qui décidément ne me plaît pas. À moins que M. Lanvin ne vienne, ce que je ne crois pas. Il fait assez beau ce matin. Pourvu que le temps ne se gâte pas d’ici à tantôt. Je le désire pour toi bien plus que pour moi. Moi quand il pleut j’en suis quitte pour allumer du feu dans ma cheminée et toi pour te faire mouiller jusqu’aux os, ce qui est un peu différent. Je t’aime. Oui, oui, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 209-210
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « 22 », corrigé en « 23 » d’une autre main.
b) « s’en ».
c) « était payé ».
d) « changé ».


23a mai [1837], mardi matin, 11 h ¼

Je n’ai pas fini encore de vous dire tout ce que j’ai sur le cœur de joie et d’amour. Et mes lettres ? Et mes chères petites lettres ? que j’ai relues et baisées ce matin comme elles le méritaient. Et la matinée si bonne que vous m’avez donnée, et bien d’autres choses que je ne nomme pas pour n’en pas déflorer le nom, pour n’en pas perdre le parfum. Tout cela il faut que je vous le dise pour désencombrer un peu la foule de caresses et de bonnes pensées qui obstruent mon cœur et mon cerveau. Mon cher petit bien-aimé, je voudrais inventer des mots plus doux que ceux dont on se sert habituellement car mon amour est plus tendre et plus délicat que celui de tout le monde ; malheureusement, ce n’est pas chose facile à une pauvre bête comme moi. Je suis si bien partagée par ton amour que je n’ai rien du côté de l’esprit. On peut pas tout avoir. Et je ne me plains pas de ma part, surtout si ton cœur en contient. Jour mon gros to. Je vous aime parce qu’il faut bien finir par vous le dire attendu que je n’ai pas autre chose dans mon bissacb. Je vous aime vieux Toto. Je vous aime de toutes mes forces et de toute mon âme. Je ne pense qu’à vous, je ne vois que vous, je ne [suis  ? sais  ?] que vous. Venez que je vous baise bien vite et que je vous prenne dans mes bras. Venez venez. Mon To mon petit o mon cher petit Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 211-212
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « 22 », corrigé en « 23 » d’une autre main.
b) « bis-sac ».

Notes

[1C’est-à-dire parée à son avantage dans le dessein de plaire.

[2Orthographe ancienne pour « châle ».

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