Paris, 20 janvier [18]79, lundi matin, 8 h.
Cher adoré, je t’ai surpris tout à l’heure en plein cauchemara que j’ai calmé sans te réveiller tout à fait par ma seule présence auprès de toi et je ne t’ai quitté qu’après que tu as eu repris ton sommeil tranquille et t’avoir inondé par les yeux de baisers vénérables et pieux et de tendresses bénies. Le temps est magnifique ce matin mais il n’y a pas de Sénat aujourd’hui. La Chambre fonctionnera seule ; on croit qu’il y aura un fort grabuge, à demain et peut-être à ce soir les détails. En attendant, mon cher petit homme, tu pourras peut-être jeter un œil sur le tas de livres auxquels tu dois au moins un accusé de réception aimable. Quant aux lettres, je ne t’en parle que par conscience mais sans espoir de réponse pour aucune d’ellesb tant le gouffre de l’arriéréc est devenu profond. Je te fais souvenir en même temps que je m’endette depuis deux jours avec ta cuisinière et que c’est aujourd’hui jour de la blanchisseuse. Ce qui veut dire en bon FRANÇOIS : – de l’argent ! de l’argent ! de l’argent !
Mariette te traduira cette littérature et avec connaissance de cause mieux que je ne saurais le faire moi-même qui ne sais que t’adorer.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 21
Transcription de Chantal Brière
a) « cauchemard ».
b) « elle ».
c) « arrié ».