Guernesey, 3 juin 1858, jeudi soir, 7 h. ¾
Je viens de fermer la fenêtre du lucoot, aussi vite que je l’ai pu, sans toutefois marcher sur mes genoux pour éviter de dépasser le niveau que tu m’assignes. Je trouve plus simple de rester à mon étage avec la faculté de me tenir debout, si cela me convient que de jouir de la belle vue dans la position commode d’un crapaud [1] entre deux pierres. Tout ceci est dit sans la moindre mauvaise humeur, mon cher adoré car je trouve aussi juste de ne pas plus gêner les autres que je n’aime à être gênée moi-même. D’ailleurs, tu m’as promis de me faire partir ce soir pas trop tard, j’espère. J’ai eu une journée un peu laborieuse pour moi eta il me serait difficile de la prolonger outre mesure sans une véritable fatigue. En attendant, je regarde mon ancienne croisée qui me paraît triste et sans vie comme si personne n’y demeurait plus depuis que j’ai quitté ce doux et mélancolique logis. Puis je pense à tout l’amour que j’y ai éprouvé et je souris de l’âme à tous les tendres souvenirs les yeux fixés sur les deux rosiers en fleurs de la bonne Mlle Leboutillier [2].
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 121
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
a) « est ».