Guernesey, 6 janvier 1858, mercredi soir, 5 h. ½
Ne sois pas trop triste mon bien-aimé, n’ajoute pas à ta fatigue d’esprit le chagrin du cœur, par pitié pour tous ceux qui t’aiment, si ce n’est par pitié pour toi, dont tu fais hélas ! trop bon marché si j’en crois mon pressentiment qui, jusqu’à présent ne m’a jamais trompé quanda il s’agit de ta tranquillité et de ton bonheur. Ce voyage [1] qui te tourmente aura pour effet certain de faire trouver au retour la vie de famille ici ce qu’il y a de plus heureux, de plus gai, de plus enviable, et de charmant. Tu verras que je prédis vrai d’ici à un mois. En attendant, il ne faut pas que tu te rendes malheureux de cette absence devenue nécessité aujourd’hui. Je t’aimerai tant, tant et tant, mon adoré que j’emplirai ton horizon tout entier d’amour et que tu ne verras pas autant le vide que ces deux chers êtres laisseront dans ton cœur en s’éloignant.
BnF, Mss, NAF 16379, f. 8
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
a) « quant ».